Cycle Historique
À G. Apollinaire (1880-1918)
Dehors, les barbelés, la terre qui gît, grise…
Les chevaux de frise s’enchevêtrent à la brise…
Me voilà retranché dans un abri de craie,
Ombre violette dans l’ombre violente
Que force comètes versicolores créent…
Mon rat sur le recul flaire l’eau pestilente,
Froissant le silence, dans la cagnat obscure.
Oh ! les gaz asphyxiants, ce bougre n’en a cure !
À la lisière du ciel qui encre nos scalpels,
Un avion bourdonne. L’augure est sans appel :
Il va falloir marcher, tomber, ramper, survivre
Au fleuve d’étoiles sifflantes, aux bruits stridents,
Qui charrie des fleurs de feu blanc, de fer ardent…
C’est un Enfer qu’on ne trouve dans aucun livre !
Dans la boue du boyau qui gronde, trouille au ventre,
Je fixe le feu du ciel qui pleut sur notre antre…
Un chœur de canons entonne son chant sacré ;
Son tonnerre tremble en terre et tout supplante.
Seules les écailles du cœur, ici, sont au secret
Et, dans la crasse, croupit la puce ou la lente…
J’en viens à espérer que, vite, la Camarde
M’offre l’accolade. Pourquoi elle musarde ?…
J’ai, sur moi, ta photo… J’ai perdu quelques dents :
Croquer des grenades, ce n’est pas très prudent !
On sort… Un obus qui miaule et meurt… Un cratère…
La terre anthropophage, ici, a faim de chair,
Soif de sang. Nos tombes ne coûteront pas cher !
Les nues crépitent des étincelles. On s’enterre…
Une balle feule et s’écrase triomphante…
On tait, en nous, tous ces cris que la nuit enfante.
L’éclat de vivre éclôt dans le rire insouciant
D’un hussard de hasard, au feu coprophage…
Le soir s’étoile de brefs brandons impatients.
Le feu du bivouac est notre seul chauffage…
Regard éteint, poumons en flamme, pas de leurre :
Demain recommencera hier, à chaque heure !
*
© Christian Satgé – mars 2012
Vos mots sont extrêmement parlant, de ceux ou les images remplaces les phrases.
vous rendez possibles des récits horrifiant en y ajoutant de la poésie
belle hommage a ces hommes hier, d’aujourd’hui ou de demain
qui se battent en offrant leurs vies pour des causes
qui……Merci pour eux..
Anne.
Il faut être poète comme vous pour mettre de la beauté là où il n’y a qu’horreurs. Chapeau bas…
Très belle description imagée des horreurs de la guerre. Arriverons-nous un jour à remplacer les mots honneur et patrie par œcuménisme, partage et amour.
Bravo Christian et merci de rendre hommage aux soldats qui se sacrifient pour une patrie chère . Et ça leurs perdent parfois et souvent leurs chairs . Les guerres sont horribles que l’humanité a connu, ça nous rend nous malades . Et c’est fort touchant de se mettre à la place des victimes par la plume mes félicitations.
Agréable soirée
Mes amitiés
Fattoum.
Bravo Christian pour ce très beau poème en hommage aux hommes qui servaient de chair à canon, tu as très bien fait ressentir l’ambiance morbide qui devait régner dans ces tranchées de la mort. A moi, il me rappelle le roman ‘A l’ouest rien de nouveau” d’E.M REMARQUE, où les soldats allemands subissait le même sort que les nôtres. “Quelle connerie la guerre” (Prévert)
Amitiés
MARIE COMBERNOUX
Merci Christian, ça m’a fait penser à “Orage d’acier” de cet écrivain allemand dont je ne me souviens plus du nom (très connu pourtant) … Pour Guillaume Appolinaire, je connais quasiment par coeur “le pont mirabeau”. Pauvre homme parce que trop marqué par cette sale guerre mais très très grand poète. Merci encore, c’est un beau texte