Il est déjà tard
La nuit subrepticement dans le ciel s’avance
Dans l’errance de sa déréliction, elle pense
Comme toujours un peu en retard
Qu’il est temps d’enlever tous ces fards
Pour ne pas abîmer ce teint diaphane, masque de peau
Ça fait partie du boulot
D’alourdir les viles artifices
Afin de combler leurs inavouables vices
Des cadres sup’ aux expérimentés routiers,
Mariés sur le papier ou âmes profanes esseulées,
Elle sait comment les attraper
Pour qu’ils crachent
Pas bien compliqué,
Suffit d’un peu de fard et de trash
Et les voilà tous à ses pieds
Prêts à se damner
Pour une nouvelle apogée
La lune en premier croissant
Donne au ciel assombri
Un goût persistant
De solitude et de gris
Dans cet appartement trop petit
Elle qui rêvait de Paris
Et de ces nuits pétillantes
Elle n’en a vu que les fonds
Des caves malodorantes
Aux désarrois les plus profonds
Tout ce qui vous amène
A dire que la vie est une chienne
Qu’elle ne laisse aucun répit
Pour celui qui tombe un jour
Au lieu de le relever, elle le finit
Comme si l’enfer c’était ici pour toujours
Sans artifice, elle voudrait
Que son chemin
Soit semé de corolles et de fusées
Qui illuminent son ciel
Celles qui émerveillent les soirées d’été
Elle sourit et nostalgique
Se rappelle de ces instants magiques
Qu’elle souhaiterait éternels
Pouvoir se laisser encore
Surprendre par les pétards qui explosent
Ceux qui font jaillir les paupières mi-closes
Avec une odeur de cramé dans le noir
Ceux qui font râler les mamans
Et amusent tant les enfants
Mais elle a construit
Sa vie sur du bois pourri
L’amenant d’amant en amant
Lui promettant le prince charmant
Pour finalement finir sur le trottoir
Prince des ténèbres devenu cauchemar,
Elle n’attend plus qu’une chose
Qu’il arrive pour récupérer ses billets salis
Violemment amassés à sa seule soumission
A ses artifices, à ses sacrifices
Un réjouissant goût de délice
Lui vient au coin de la bouche
Quand il s’approche et la touche
Sans la ménager
Et que la fine lame aiguisée de son couteau dissimulé glisse
Sans artifice ni tremblement
Entre ses reins jusque son coeur putrescent
Le sien, qu’il a torpillé depuis trop d’années
Bat à peine plus fort
Quand il tombe mort
Enfin, elle va pouvoir profiter de l’aurore
Douce est la nuit encore
Sans artifice, ni sacrifice
Quitter cet appartement trop petit
En laissant le sang s’étendre pour nettoyer
Ce sol trop maquillé
Par les passes accumulées
©2017 Nadège Gorek