Artifice – Nadège Gorek

 Il est déjà tard

La nuit subrepticement dans le ciel s’avance

Dans l’errance de sa déréliction, elle pense

Comme toujours un peu en retard

Qu’il est temps d’enlever tous ces fards

Pour ne pas abîmer ce teint diaphane, masque de peau

 

Ça fait partie du boulot

D’alourdir les viles artifices

Afin de combler leurs inavouables vices

Des cadres sup’ aux expérimentés routiers,

Mariés sur le papier ou âmes profanes esseulées,

Elle sait comment les attraper

Pour qu’ils crachent

 

Pas bien compliqué,

Suffit d’un peu de fard et de trash

Et les voilà tous à ses pieds

Prêts à se damner

Pour une nouvelle apogée

 

La lune en premier croissant

Donne au ciel assombri

Un goût persistant

De solitude et de gris

Dans cet appartement trop petit

 

Elle qui rêvait de Paris

Et de ces nuits pétillantes

Elle n’en a vu que les fonds

Des caves malodorantes

Aux désarrois les plus profonds

Tout ce qui vous amène

A dire que la vie est une chienne

Qu’elle ne laisse aucun répit

Pour celui qui tombe un jour

Au lieu de le relever, elle le finit

Comme si l’enfer c’était ici pour toujours

 

Sans artifice, elle voudrait

Que son chemin

Soit semé de corolles et de fusées

Qui illuminent son ciel

Celles qui émerveillent les soirées d’été

Elle sourit et nostalgique

Se rappelle de ces instants magiques

Qu’elle souhaiterait éternels

Pouvoir se laisser encore

Surprendre par les pétards qui explosent

Ceux qui font jaillir les paupières mi-closes

Avec une odeur de cramé dans le noir

Ceux qui font râler les mamans

Et amusent tant les enfants

 

Mais elle a construit

Sa vie sur du bois pourri

L’amenant d’amant en amant

Lui promettant le prince charmant

Pour finalement finir sur le trottoir

Prince des ténèbres devenu cauchemar,

Elle n’attend plus qu’une chose

Qu’il arrive pour récupérer ses billets salis

Violemment amassés à sa seule soumission

A ses artifices, à ses sacrifices

 

Un réjouissant goût de délice

Lui vient au coin de la bouche

Quand il s’approche et la touche

Sans la ménager

Et que la fine lame aiguisée de son couteau dissimulé glisse

Sans artifice ni tremblement

Entre ses reins jusque son coeur putrescent

 

Le sien, qu’il a torpillé depuis trop d’années

Bat à peine plus fort

Quand il tombe mort

 

Enfin, elle va pouvoir profiter de l’aurore

Douce est la nuit encore

Sans artifice, ni sacrifice

Quitter cet appartement trop petit

En laissant le sang s’étendre pour nettoyer

Ce sol trop maquillé

Par les passes accumulées 

 

©2017 Nadège Gorek

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