Amis de toujours – Jean-Pascal – Auobio Tome LX – Jean-Marie Audrain

LX –Amis de toujours – Jean-Pascal

Un ami pourrait revendiquer une place à part dans mon autobiographie, non pas pour la durée, mais au contraire pour la qualité et la brièveté de notre relation. Jean-Pascal avait ceci en partage avec moi : il était spirituel au double sens du terme, à cheval sur mystique et humoristique. Un visage austère, la voix au ton grave, un sourire et une inquiétude bien enfouis dans son tréfonds. Je fus son plus proche ami depuis notre rencontre jusqu’à son décès prématuré. Il avait la réputation d’un pince-sans-rire, spécialiste des bonnes blagues s’annonçant comme salaces, mais finissant par une chute politiquement acceptable. Il aimait vivre, comme Devos et comme moi, sa vie comme une comédie derrière laquelle cacher ses angoisses. Cela dit, lui et moi aimions énormément faire rire et avions tourné des clips vidéos hilarants, comme celui dans lequel, habilement grimé, il tint le rôle de la voyante Madame Irma.

Quand je l’ai connu il fréquentait Delphine qui travaillait dans un magasin de joaillerie. Le samedi, il la suivait le temps de s’acquitter de ses après-midi de lèche-vitrines des beaux quartiers.

Le jour de ses 18 ans, elle organisa son anniversaire chez lui, et j’y fus bien évidemment invité. Jean-Pascal et moi-même arrivèrent juste avant la pléiade d’invités sélectionnés par Delphine parmi les gens de la haute, dont madame Devos, légitime de Raymond, à qui j’ai eu l’insigne honneur de baiser la main (et non la lécher car son époux aurait dit que tout lèche main mène à Rome).Nous découvrîmes tout un mur de son sous-sol transformé en salle de réception couvert de deux colonnes de photos dans le style Amicalement vôtres : Delphine et Jean-Pascal en parallèle de la naissance à aujourd’hui. Quand tous les invités furent présents, Delphine annonça que Jean-Pascal et lui étaient fiancés et allaient bientôt se marier. Ce fut la cruche d’eau (je ne désigne pas Delphine, mais son stratagème) qui mit fin à la relation d’un couple des plus mal assortis. Elle, une chineuse de bibelots de luxe, et, lui, un adepte des monastères.

Jean-Pascal attirait à lui, à son insu, toutes les femmes qu’un homme s’ingénierait à séduire : de jeunes femmes séduisantes, cultivées et tendres.

Jean-Pascal m’avait choisi comme confident et je tentais de l’éclairer sur ce qu’il croyait être un ressenti, mais qui était en fait le pur fruit de son imagination : il était persuadé d’être si moche et si nul qu’une femme ne pouvait se rapprocher de lui que par pitié ! Je me souvient de premiers rendez-vous avec des top modèles très distinguées desquelles il revenaient en larmes, tant il vivait toute relation amoureuse sur le mode de la victimisation, de la pitié cachée derrière des mots d’amour.

Au moment où je commençais à le persuader qu’il se fourvoyait en doutant de la sincérité de ses prétendantes, il rencontra Marie-Christine, une institutrice de l’école St Exupéry à Versailles. Pour moi, il existait entre eux une magnifique complicité doublée d’une rare complémentarité digne de deux pièces voisines d’un puzzle. Durant six mois ; elle lui parlait de fiançailles et d’épousailles et lui me partageait ses doutes sur sa décision pour une nouvelle raison : la peur d’être toujours dans les larmes une fois marié. Il m’avait présenté son amie Geneviève qui lui était très proche, fiancée à un ingénieur parti vivre au Canada, qui ne savait que faire pour lui ouvrir les yeux. J’allais chez elle tous les lundis après-midi. Elle aussi avait fait de moi son confident en quête de lumières sur sa vie sentimentale et spirituelle.

L’idée nous vint d’inviter Jean-Pascal à une semaine de retraite dans le silence dans un monastère de la communauté qui s’appelle aujourd’hui Les Béatitudes. Lors des Vêpres de la Résurrection, le samedi soir, le père Jacques Marin reçu du Seigneur une « parole de connaissance » qu’il proféra au micro : «Il y a ici un homme de 23 ans, accompagnée par la femme que le Seigneur lui destine, mais une peur irrationnelle l’empêche de s’engager. Le Seigneur veut le guérir d’une souffrance enfouie, celle d’avoir vu sa mère pleurer mois après mois, en l’absence de son mari. Le Seigneur le guérit ce jour de sa peur de pleurer lui aussi et veut bénir son couple » De fait, le papa de Jean-Pascal était capitaine d’un navire dans la marine marchande et était obligé d’abandonner sa famille pour de longues périodes de six mois durant lesquelles son épouse pleurait en silence. Jean-Pascal et Marie-Christine se sont mis à pleurer de joie, et quelques semaines plus tard, ils étaient unis devant Dieu et les hommes.

Leur félicité ne dura hélas que deux ans, sans que Marie-Christine n’en vienne à enfanter, et, au terme de cette période, Jean-Pascal fut ramené au Père, comme on dit, par un cancer foudroyant des organes digestifs qui le contraint à finir ses jours sur un lit d’hôpital dans un secret voulu par lui pour ne pas inquiéter ni attrister prématurément ses proches, parents et amis.

Lors de sa messe d’obsèques, dans une église pleine à craquer , on entendit le curé prêcher sur sa certitude que Jean-Pascal s’était révélé, de jour en jour, surtout en ses derniers temps, un grand mystique et qu’un chrétien ne devait pas pleurer au sujet de son départ. J’avais les larmes aux yeux et la rage bouillonnait dans mes entrailles pour Jean-Pascal et Marie-Christine.

Celle-ci me dit être tellement blessée et tellement désespérée, qu’elle avait décidé de finir sa vie chez ses parents dans le veuvage de Jean-Pascal à qui elle avait juré de rester fidèle non seulement jusqu’à sa mort à lui mais aussi jusqu’à sa propre mort.

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Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (509)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

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1 Commentaire
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Gobé Marie France
Gobé Marie France
Invité
9 février 2021 0 h 16 min

Cet écrit est magnifique et l on ressent bien que c est du vécu
Quand à votre biographie
Vous avez reçu bien des honneurs grandement mérités
Depuis avez vous fait des recueils de votre poésie et autres
Mes hommages che Jean Marie et bonne nuit