AU BALCON
(Autour de mes vingt ans, dans une grande ville, j’avais une liaison avec une jeune femme nommée Josiane. Revenant vers ces temps heureux, voici – réactualisé à l’aide du présent de narration – ce que j’apercevais, de son balcon, au crépuscule du soir.)
De la fenêtre de la chambre, au plus haut de la place Sugny, la vue est splendide. Comme les verres d’une lanterne magique, les vitres changent de couleur au fil des jours et des saisons. Elles pâlissent en hiver quand la neige, lourde et sans pitié, ensevelit les rues. Elles épousent, en été, toutes les nuances du rouge. Du mince balcon qui longe cette fenêtre, on voit alors le soleil écarlate se fondre dans le fourneau noirci des monts à l’ouest de la ville. On voit les étoiles, de plus en plus nombreuses, de plus en plus jaunes, piqueter le ciel outremer. Ainsi que dans les toiles de Vincent Van Gogh, appareillant vers l’inconnu, elles emportent avec elles la peur.
De temps à autre, seul, accoudé à la balustrade, je m’enivre des bruits et des odeurs de la grande cité. Au moment que des rues surchauffées monte, avec la fin du jour, une haleine surchargée de bitume,
« Je me crois sur un quai parfumé de goudron,
Regardant s’avancer, blanche, une goélette,
Parmi les diamants de la mer violette… »
Puis, les enseignes brasillent. Rouges, vertes, bleues, tango, rose pâle, elles tournent comme des écureuils en cage ou elles courent sur les murs des immeubles du boulevard Desaix et de la Grand-Place. Lorsqu’il pleut, le halo des phares des automobiles se mêle à leurs lueurs et les escorte de sa fugitive et confuse présence.
j’aime votre style , fluide et vivant , une belle page trés colorée !
merci pour ces teintes en partage