Un petit oiseau nommé conscience – Arnaud Mattei

En ce dimanche pascal, alors que le soleil tardait à se lever, un oiseau s’est posé sur le bord de ma fenêtre grande ouverte. Oh, c’était un petit oiseau de rien du tout, avec ses petites pattes, son petit bec. Il me dévisageait de ses yeux, tantôt rieurs, tantôt graves et profonds. A y regarder de plus près, il ne ressemblait en rien aux oiseaux de nos contrées, ni même d’ailleurs.

Ces longues ailes étaient d’une couleur indéfinissable, du rouge, du jaune, du bleu, du vert, le tout mélangé et confondu dans un ordonnancement harmonieux, régulier et irrégulier tout à la fois. Il était là et continuait à me dévisager, figé dans une posture empreinte de reproches qu’il m’adressait. Fort de mon statut de dominant et de mon arrogance d’humain, je lui demandais :

 — Qui es tu donc petit oiseau pour te permettre de me dévisager ainsi ?

 A mon grand étonnement, il me répondit :

 — Je suis ta conscience petit homme, je suis celui qui te demande aujourd’hui qu’as-tu fait ?

 Un oiseau qui pense, un oiseau qui réfléchit, un oiseau qui parle, est-ce possible ? Plutôt que de m’interroger sur cet étrange phénomène, je le questionnais :

 — Ma conscience ? Mais un oiseau, cela ne pense pas, cela ne parle pas ! Ma conscience ? Mais qui es tu, toi qui n’es fait que de plumes pour me juger ? Et puis, d’abord, quel est ce bien étrange plumage petit oiseau ?

Dans un battement d’ailes, comme pour garder son équilibre, il se rapprocha de moi et me reposa la question :

— Je suis ta conscience petit homme, je suis là pour te demander ce que tu as fait ?

 Face à mon mutisme, il enchaîna :

— Puisque tu ne réponds pas petit homme, je vais t’expliquer. Je viens du pays de la paix, de celui qui relie, la terre, la mer, les airs, de celui qui n’est que beauté et harmonie. Je vais par-delà les montages, par-delà les mers, et parfois, je me pose sur le bord d’une fenêtre pour échanger avec des petits hommes, aujourd’hui en cage comme toi.

— Drôle de remarque pensai-je au tréfonds de moi-même.

— Je ne suis pas en cage petit oiseau multicolore, je me protège des tourments de la nature. Je reste chez moi, car je respecte l’autre, tous les autres.

Comme lisant dans mes pensées, il poursuivit par un long discours de petit oiseau donneur de  leçons.

— Non petit homme, tu es en cage, alors que tu pensais être le plus fort. Tu te caches pour masquer tes peurs. Tu penses que tu me domines, car, après tout, je ne suis qu’un petit oiseau bien fragile. Mais j’ai survécu à tant de choses, j’ai survécu au grand chaos de la Terre, j’ai survécu à ton arrogance et à ton inconséquence. J’ai mangé, voyagé, aimé bien longtemps avant que tu n’apparaisses sur la Terre. J’étais là avant toi, et je serai sans doute là bien après toi. Alors oui, petit homme, c’est toi le plus faible. Tu vis dans l’éphémère et tu disparaîtras si tu n’y prends garde, quand je vivrai encore dans l’éternité du temps et de l’espace

— Écoute petit oiseau, je ne suis pas un méchant homme, j’ai toujours cherché le bonheur pour ceux que j’aime et je ne pense pas avoir fait le mal. J’ai toujours respecté l’autre, tous les autres et je ne suis pas là pour écouter les divagations d’un petit oiseau moralisateur.

Le regard de mon étrange interlocuteur se fit encore plus grave, encore plus profond.

—Tu t’énerves et tu t’emportes petit homme. Sans doute es tu honnête dans ce que tu dis et ce que tu dis, tu le penses certainement   . Mais tu ne poses pas les bonnes questions.

— Ma lointaine cousine, la blanche et majestueuse colombe a laissé tomber son rameau d’olivier poursuivit-il Elle ne veut plus montrer le chemin d’une terre promise à un peuple qui croyait pouvoir dominer la Terre et l’univers. Elle s’est posée sur un arbre et attend de vous que vous fassiez preuve de repentance, que vous compreniez qu’humiliation et humilité ont presque la même racine. Elle vous accuse des maux que vous faites porter à la nature, notre mère nourricière à tous. Elle attend que tu rendes hommage à celle à qui tu dois tout et que tu te prosternes devant elle. Elle attend que tu sois responsable de tes actes passés et que tu réfléchisses à tes actes futurs. Pose toi la question, partage ces interrogations avec ceux de ton espèce, petit homme.

Sur ces mots, le petit oiseau quitta ma fenêtre. Il s’éloigna dans un battement d’ailes qui fit éclater dans les rayons du soleil naissant, les couleurs de son plumage multicolore. Il se retourna toutefois et, conclut sur ces quelques mots :

— Tu as raison, tu n’es pas méchant au fond, juste trop rempli de certitudes et d’arrogance. Un soir, je reviendrai te voir pour savoir si tu t’es interrogé petit homme. En réalité, je reviendrai, même si tu ne trouves pas les réponses à toutes ces questions, ni les solutions à tous les maux dont tu souffres et, permet-moi de te le répéter encore et encore :

— Je suis ta conscience petit homme, et reviendrai pour te demander ce que tu as fait ?

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Arnaud Mattei

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Les poèmes sont cent, ils sont mille, ils sont uniques. Ils sont de toutes les cultures, de toutes les civilisations. Ils sont odes, ils sont sonnets, ils sont ballades. Ils sont vers, ils sont rimes, ils sont proses. Ils sont le moi, ils sont l’émoi. Ils chantent l’amour, ils disent nos peines, ils décrivent nos joies. Ils ont la force de nos certitudes, ils accompagnent nos doutes. Ils sont ceux de l’enfance, ils traversent le temps, car ils sont le temps. Ils ont la pudeur de la plume, la force d’un battement d’ailes. Ils sont ceux qui restent, ils prennent la couleur de l’encre sur le papier, sombres clairs, multicolores.
Alors ces quelques mots pour la souffrance de les écrire, pour le bonheur de les dire, pour la joie de les partager.
Des quelques poésies de mon adolescence retrouvées dans un cahier aux pages jaunies, d’un diplôme jadis gagné à un concours à mes presque soixante ans, il se sera passé un long moment de silence, une absence que le vide du temps ne saurait combler. Je crois avoir fait de ma vie, une vie simple et belle avec ceux que j’aime. Pendant ces quelques décennies, les mots sont restés au plus profond de moi.
Aurai-je la force de les dire, saurai-je être persévérant pour les écrire ? Et vous, les écouterez-vous ? Peut-être aujourd’hui, peut-être demain, peut-être maintenant, qui sait….

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6 Commentaires
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Saber Lahmidi
Membre
11 novembre 2021 11 h 41 min

La voix de la conscience espérant être toujours forte et droite. Merci pour ce texte cher Arnaud.

Anne Cailloux
Membre
5 novembre 2021 21 h 58 min

J’aurais aimé savoir si l conscience c’est manifesté et si les bonnes questions ont étés posées..

Martyne Dubau
Membre
4 novembre 2021 17 h 12 min

Aie,aie, aie Quand notre conscience fait entendre sa voix
c’est que l’on n’est plus sur la bonne voie !