Mea Culpa – Dominique Capo

J’avoue que ces derniers temps ont été assez éprouvants pour moi. En effet, parfois, la solitude me pèse. Le fait d’être si isolé un un fardeau lourd à porter. De plus, m’occuper quotidiennement de cette personne de ma famille ayant la sclérose en plaques, ne facilite pas ma situation.

Attention cependant, je ne lui fais aucun reproche. C’est une situation très pénible pour elle. Elle n’en parle pratiquement pas. Elle n’a jamais eu l’habitude de se mettre en avant. Mais les incapacités qu’entraînent sa maladie sont dures à vivre ; elles la rendent très malheureuse. Et cela m’attriste beaucoup – non pas pour moi, mais pour elle. J’aimerai tant faire en sorte qu’elle sorte de son cocon ; qu’elle ait plus de volonté, d’entrain, d’envie de se battre, qu’elle fasse preuve d’initiative.

Mais elle ne le peut pas. Sa maladie l’en empêche. Et être impuissant à l’aider sur ces ponts précis me rends profondément malheureux. Je la vois diminuer jour après jour, sans être capable de freiner ce processus, me torture. Cette personne de ma famille est chère à mon cœur. C’est quelqu’un de gentil, de doux, qui a vécu beaucoup de choses douloureuses, qui, comme moi, du fait de sa différence, a souvent été mise à l’écart, repoussée, humiliée, trahie. Et je suis souvent en colère contre ceux et celles qui lui ont fait subir tout ce qu’elle a vécu. Elle me trouvera d’ailleurs toujours à ses cotés, quoiqu’il advienne. Jamais je ne l’abandonnerai. Car pour avoir été trahi, abandonné, parce qu’on s’est souvent détourné de moi du fait de mon handicap, je sais ce qu’on éprouve en de telles circonstances.

Je pourrai, évidemment, sortir sans cette personne. Aller dans des soirées, faire des activités extérieures, rencontrer des gens qui partagent les mêmes centres d’intérêts, les mêmes passions, etc. Je ne peux pas. Parce que je ne veux pas qu’elle se sente trahie par le seul membre de sa famille sur lequel elle peut compter, en qui elle peut avoir confiance, le seul qui l’aide et la soutient.

Je dois avouer que le fait d’être écrivain, non plus, n’aide pas au fait de sortir de mon domicile. Et puis, j’ai moi-même vécu des événements terribles qui m’ont marqué à jamais, et qui m’ont fait comprendre que le monde extérieur m’était, d’une certaine façon, hostile. Qu’il me jugeait et me condamnait parce que je ne suis pas comme tout le monde ; autant intellectuellement que du fait de mon handicap. Cet univers extérieur ne m’a jamais fait aucun cadeau, ne m’a jamais laissé aucun répit, a toujours trouvé des moyens inédits et déflagrateurs pour me déchirer, pour me torturer émotionnellement. Pour ceux et celles qui lisent les “Mémoires” que je diffuse de temps en temps – et dont est extrait le texte de ce matin -, vous découvrirez dans quelques dizaines de pages de quoi je veux parler.

Bref, toutes ces raisons, et bien d’autres, font que je ne sors pratiquement plus de chez moi. Et, de fait, parfois, la solitude, le silence, l’isolement – alors que je vis en ville – me pèsent terriblement. Paradoxalement pourtant, je suis toujours occupé à mille projets. Je lis beaucoup, j'”écris, énormément. Je travaille journellement à la rédaction de mon ouvrage sur les Origines idéologiques et ésotériques du Nazisme. J’écris des articles sur l’actualité, la philosophie, l’histoire, etc. Vous le savez si vous me suivez régulièrement. J’ai toujours des tonnes d’émissions, de documentaires, de reportages, à visionner ; des films aussi. J’ai mes collections de figurines.

Ma seule fenêtre vers l’extérieur est donc Facebook. C’est le seul moyen que j’ai trouvé, au vu des circonstances auxquelles je suis confronté, pour être en contact avec des gens de l’extérieur. Et, qui plus est, des gens qui me semblent intéressants de côtoyer, riches de leurs expériences, de leurs métiers, des milieux socio-culturels dont ils sont issus, des lieux où ils vivent.

Jadis, avant qu’Internet n’existe, et par d’autres moyens, j’ai eu la mème démarche que celle que j’ai tenté d’user dernièrement. J’ai toujours été curieux des gens qui ne sont pas issus de mon entourage proche. Qui ne sont pas issus des cercles de connaissance que je fréquente du fait de mon emploi, de mes passions, etc. Quand je dis cela, je repense à l’époque où je travaillais à la Bibliothèque Nationale, à l’Université Paris XIII ou Paris VIII, à l’époque où je m’adonnais aux jeux de rôles, à l’époque où j’habitais Laval, etc. J’ai toujours désiré aller vers ceux et celles qui ne me ressemblent pas. Je repense ainsi à Olivier, Caroline, Sandrine, Nathalie, etc. Des personnes qui ont profondément marqué mon parcours de vie. Je les ai croisé au gré d’initiatives de ma part pour aller vers eux ou elles. Sinon, il est sût que je n’aurai jamais fait leur connaissance, et que nous ne serions pas devenus amis. Que nous n’aurions pas vécu, ensemble, des relations amicales fortes, pleines d’échanges riches, passionnantes, fascinantes. Tandis que j’écris, des tas d’images me reviennent à l’esprit.

Parfois, ces personnes étaient éloignées de moi dans l’espace. A Paris, chaque weekend, je courais aux quatre coins de la capitale pour rejoindre les différents groupes d’amis – qui n’avaient aucun lien les uns avec les autres – pour passer des après-midi, des soirées jusque tard dans la nuit, avec lesquels j’avais sympathisé. Parfois après les avoir abordé dans un librairie, dans un magasin de jeux de rôles, après avoir passé une petite annonce ou avoir répondu à l’une d’entre elles. Qui étaient des connaissances de connaissances. Qui étaient des personnes que j’avais abordé à la sortie de la Bibliothèque Nationale, à l’Université. Je repense aussi à Caroline, qui habitait Paris alors que je vivais à Paris. Je me souviens que lorsque nous nous téléphonions, environ une fois par mois, nos conversations duraient des heures. Un peu comme aujourd’hui avec Jérémy. Un jeune homme d’une trentaine que le hasard des contacts Facebook m’a fait croiser. A chaque fois que nous avons des rendez-vous téléphoniques, ils durent minimum deux heures. Je bloque d’ailleurs mon après-midi avec plaisir dans ce cas, pour le consacrer à nos échanges sur tous les sujets qui nous lient l’un a l’autre ; à l’amitié que nous développons au fil du temps et des dialogues.

J’ai longtemps espéré pouvoir poursuivre ce genre d’initiative par l’intermédiaire de Facebook. Mème si ce n’est pas la réalité à proprement parler, comme jadis, chaque contact qui est en lien avec moi – ou vice-versa – est bien réel. Derrière chaque ordinateur, derrière chaque pseudo, derrière chaque profil, se trouve un individu de chair et de sang. Un homme ou une femme avec une personnalité, des émotions, un métier, des passions, des rêves, etc. Bref, des personnes qui méritent que je leur prête intérêt, qui peuvent susciter ma curiosité du fait qu’elles sont différentes de moi. Et peu importe où elles habitent. Ça ne change rien qu’elles vivent à 10 km de mon domicile, ou à 10 000 km de là.

J’ai longtemps cru que les gens à qui je tendais la main en leur donnant mes coordonnées pour que nous créions un lien en dehors des limites de Facebook, serait compris, accepté. Que ces personnes n’y verraient aucun désir d’intrusion inadéquat au sein de leur sphère privée, professionnelle, personnelle, amicale. Juste une ouverture supplémentaire, sans contrainte, sans abus, avec respect. Et ce, en fonction des obligations, des nécessités, de chacun. En prenant en compte les disponibilités et les possibilités des uns et des autres.

Car c’est un point pour lequel j’ai été toujours très respectueux. Je n’ai jamais dépassé les limites imposées par mon interlocuteur ou mon interlocutrice. Quand on me dit “je préfère que tu m’appelle à 20h” ; je téléphone a 20h, pas à 19h30 ou à 20h30. Je suis toujours ponctuel, fiable, Je na jamais dérogé a ces valeurs et à ces principes. Ce serait faire preuve de manque de tact et de respect. Et j’ai assez subi ce genre de chose qui m’ont profondément marqué, meurtri, blessé, pour ne pas le faire endurer à ceux et celles qui me permettent un petit peu d’intégrer leur univers en dehors de Facebook.

Deux seules personnes, véritablement, jusqu’à aujourd’hui, ont compris, comprennent, le sens de ma démarche sur Facebook. La première, comme je l’ai dit plus haut, est Jérémy. La seconde est cette personnalité que je ne peur nommer, ni révéler sa profession ou quoique ce soit d’autre. Cette personnalité que je considère d’ailleurs comme ma meilleure amie ; presque un membre de ma famille. Car nous connaissons nos familles respectives et nos échanges – soit par Facebook soit par SMS – sont quasi-quotidiens. J’espère qu’un jour, à l’instar de Caroline qui habitait Perpignan alors que je vivais a Paris, je pourrais la rencontrer. Car pour Caroline, a force d’échanges, au bout de cinq ou six ans je me souviens, j’ai fini par aller la voir à Perpignan durant des vacances d’Été, durant deux semaines. La première fois en 1996, la seconde fois en 2003. Et sans ambiguïté puisqu’elle avait un compagnon. La seconde fois d’ailleurs, ils m’ont invité ces deux semaines chez eux. J’ai dormi dans une chambre d’ami. Ça a surement été parmi les plus formidables vacances que j’ai passé de toute ma vie. Comme la fois ou Olivier, un autre ami, m’a invité dans les Landes. Il va sans dire que pour Olivier, je lui ai retourné l’invitation en l’accueillant à des fêtes de fin d’années, chez moi, alors que j’habitais la Sarthe a cette époque.

Tout cela pour dire que, au vu de mes circonstances actuelles – mon métier d’écrivain et la personne de ma famille dont je m’occupe -, j’espérais nouer des relations de cet ordre avec des personnes de la mème qualité. Et deux seules sont sorti du lot : Jérémy et cette personnalité. Ce qui m’amène à conclure ceci : j’ai fait une erreur en espérant mettre tout mon cœur et toue mon âme dans cette démarche. L’immense majorité des personnes sur Facebook n’ont pas ce désir que j’ai, d’approfondir mes liens avec d’autres de cette façon. Pour tout un tas de raisons honorables et respectables qui n’appartiennent qu’a eux et elles. Je le comprends, je l’accepte. J’en suis triste, je l’avoue, mais je me dois de respecter leur vœu.

Je me suis trompé, je le reconnais humblement. Je n’ai pas à vouloir ce que la personne n’a pas envie de partager avec moi. J’ai été aveuglé, aussi, par cette solitude qui me pèse parfois. Par ce déchirement intérieur quand je vois ces personnes desquelles je pourrais tant apprendre, avec lesquelles j’aimerai partager des instants qui, juste parce que ce sont ces personnes, me rendrait tellement heureux, épanoui, serein. Comme pour ce lien avec Jérémy, cette personnalité, Caroline de Perpignan, d’autres encore. Cette espérance qui m’a dévoré, et que je n’avais pas le droit d’imposer a ces personnes de Facebook. Tant d’émotions m’ont submergé.

De fait, je vais poursuivre la publication de mes textes comme auparavant : “De Deiteus Mythica”, mes “Brèves Philosophiques”, mes “Mémoires”, mes Articles sur l’actualité, sur la philosophie, sur la religion, sur le devenir de l’Humanité, ou tous les autres sujets pour lesquels j’ai tant de lecteurs qui me suivent. Car j’ai réalisé qu’en fait, ces milliers de personnes n’attendent que cela de ma part ; rien de plus, rien de moins. Elles ont leur vie. Je n’en fais pas partie, et je n’en ferais jamais partie amicalement parlant. Comprenez moi bien : je ne leur en veut pas. Je ne porte grief a personne. Ce n’est pas mon genre. Il est rare que je sois rancunier. Surtout quand je réalise que c’est moi le fautif. Que c’est moi a l’origine de mes propres blessures. Et si j’ai des reproches à faire a quelqu’un, c’est surtout à moi d’avoir cru que je pourrais briser cette solitude par cette méthode, par ce vecteur qu’est Facebook.

La leçon a été dure, éprouvante, blessante. J’en sors triste. Parce que je n’ai jamais désiré m’immiscer dans la vie de qui que ce soit. J’ai toujours effectué ceci avec respect, estime, gentillesse, sans aucune arrière pensée d’aucune sorte. J’ai bien retenu la leçon, donc. J’apprends de mes erreurs et de mes expériences. Il n’y a qu’ainsi qu’on avance, qu’on évolue.

Cependant, si je vais continuer à partager mes écrits ici, je vais désormais beaucoup moins m’investir émotionnellement et affectivement dans Facebook. Déjà parce que c’est chronophage. Alors qu’une demi-heure matin, et une demi-heure soir, devraient suffire pour publier mes textes du jour, parfois, je n’ai mème plus le temps de me pencher sur mon manuscrit sur le Nazisme en ce moment. En effet, les démarches que j’ai décrites ci-dessus ont dévoré tous mon temps, toute mon énergie, ces dernières semaines ou mois. Et il ne me restait que peu de minutes à écrire sur ce qui est pourtant l’essentiel : mon livre sur le Nazisme ; avant d’entamer un roman dont j’ai le synopsis dans mes tiroirs.

Ensuite, parce que ça m’a fait du mal ; beaucoup de mal. Je l’ai expliqué plus haut. Dès lors, il est nécessaire que je m’éloigne. Comme à chaque fois que je suis confronté à ce genre de situation brutale, source de torture et de blessures, j’ai besoin de me replier sur moi-même. De toute façon, chacun à sa vie. Ce n’est pas ici que je trouverai le réconfort dont j’ai besoin. Donc, je vais me replonger en moi-même, en mes livres, en mes écrits, en mes recherches historiques, en mes réflexions philosophiques. Comme en 2003 après les événements ayant conclu mon passage dans l’éducation Nationale. Comme en 2012, après les tensions ayant suivi la découverte de la sclérose en plaques du membre de la famille dont je m’occupe quotidiennement. Je me rends compte, une fois de plus, que je n’ai pas ma place au sein de la réalité matérielle des gens. J’aurai beau me débattre, j’aurai beau remuer ciel et terre pour échapper à ce coté obscur qui me happe malgré moi, rien n’y fait. Mon univers est celui des livres. Mon univers est celui de l’écrit. J’aurai beau essayer de trouver une issue supplémentaire qui, humainement,, pourrait me rendre heureux, épanoui, je n’ai pas cette capacité en moi. Il faut que je l’accepte, mème si c’est dur, mème si ça me rend triste parfois, mème si j’en souffre. C’est ma vie.

Merci, pour ceux et celles qui sont allé au bout de ce long texte, de m’avoir écouté…

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Anne Cailloux
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9 janvier 2018 20 h 05 min

Je vous comprends, quel paradoxe, choisir la solitude pour X raisons est ne pas l’aimer..je suis pareille,
Solitude pourtant nous sommes 8 milliards.
Vous donnez je pense beaucoup à cette personne qui a la sclérose en plaque, si je peux me permettre de vous dire quelque chose, en tant que soignante aux près de personnes ayant des maladies comme celles là, c’est de leurs donner : de la tendresse, je pense que vous devez bien le faire et une autre chose est très importante…C’est l’humour et le rire, cela les rends encore vivant, prendre sur soit même quand on est pas bien et apporte votre rire, c’est prouvé à 100%, ce n’est pas toujours facile…
Courage à vous .
Anne