La plus petite des petites fourmis – Christian Satgé

Petite fable affable
 

Elle était la plus petite de son groupe,
Et pourtant elle avait mangé de la soupe.
Cette fourmi qui n’avait pas inventé
L’eau tiède était connue pour ses frasques
Dont elle n’avait pas besoin de se vanter
Pour que sa colonie en fût, par bourrasques,
Informée ce qui lui donna, à la fin,
L’aimable et doux caractère d’un biffin :
Naine parmi les siens, on n’avait guère
Besoin de chercher la p’tite bête, hélas,
Pour la trouver prête à vous faire la guerre !
Et là, on ne pouvait espérer, c’est class’,
Que des coups bas si on la mettait en boîte
Parce que qu’elle y rentrait la maladroite…

Petite, hargneuse, cette fourmi-là
Était naïve, la dupe d’entourloupes,
La godiche que de moquer on n’est las :
Plus, vaine, elle s’énerve et moins on la loupe.
Cet insecte était donc un parfait pigeon !
Une nigaude simplette offrant gorgeons
Parfois à des niais se gobergeant d’elle.
Mais que la gobeuse ait quelque doute ou soit
Autrement informée et c’est la querelle,
La peignée jusqu’à la saignée entre soi !

Lasse des pugilats, la majesté-reine
Qui avait le goût de la gloire et, pour les rênes,
Celle des populacières idées,
Convoqua un matin ce sujet de troubles
Qui crut, ma foi, qu’on allait intimider,
Si au trône elle pouvait plaider sa cause,
Ses tourmenteurs. Ah, la crédule ingénue !
On lui signifia l’exil et ses clauses :
humeur agressive et raisons saugrenues
Justifiaient cette sanction amère.
Elle ne put dire que : « C’est iniqu’, ma mère ! »

La reine, piquée au vif par ces propos,
Répliqua, tranchante : « J’agis, fille indigne,
Comme on le fait en pareil cas, pas de pot !,
Dans la société des Hommes, si digne
Et raisonnable, qu’on la dit bien mieux
Que celle des bêtes, animaux odieux,
Chez ces êtres toujours sages donc qui tant
M’inspirent, on prétend, ce n’est pas factice :
“Pour la paix sociale garder longtemps,
Il vaut mieux, parfois, petite injustice
Que grand branle-bas et général chambard,
Vains freluquets manquant moins que galabards !” »

 
© Christian Satgé – Février 2017

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
2 avril 2019 14 h 21 min

Bonjour Christian et cette petite fourmis là a fait torde du fil ou retorde les fils de dame reine mais en fin de conte pauvre d’elle paye son arrogance
Ce fut un plaisir de lire cette fable pas ordinaire
amicalement
Béa