III – Entre photos et souvenirs
De mes quatre années de vie parisienne, il me reste un mélange de souvenirs et de photos.
Tout cela se superposant à ce que mes parents se sont racontés au quotidien sur chacune de mes jeunes journées, principalement ma maman et ma marraine qui étaient les reines des pipelettes.
En effet mon père rentrait tard tous les soirs de ses reportages-photos et ne pouvait partager la moindre heure de la journée avec moi. Par contre, il se rattrapait le week-end et me photographiait dans le jardin de la basilique de Montmartre et dès le lundi il me montrait les photos qu’il avait faites tirer par son laboratoire professionnel (la fameuse agence Rapho).
Je possède plusieurs albums de cette époque ainsi que pas mal de planches-contact (impression de la pellicule coupée en bandes) et de rouleaux de négatifs en noir et blanc.
J’ai un excellent souvenir de l’importance de porter un bonnet l’hiver et une casquette l’été si je ne veux pas me réveiller un matin avec une tête en forme de choux tant mes oreilles se décolleraient.
Je me souviens aussi que je sortais par tous les temps avec ma maman. Tout cela pour devenir résistant et même plus aimable et plus coloré si j’accepte mon verre de jus de carotte quotidien.
Dans le quartier, je devins vite célèbre à cause de mes bêtises récurrentes face auxquelles je m’en sortais toujours à bon compte avec ce que ma gentille maman appelait ma « bouille d’ange ».
Par exemple, à cette époque où les supermarchés n’avaient pas encore été inventés, ma maman allait au vrai marché, celui qui laisse tout plein de fruits et légumes un peu pourri quand tout est fini.
Un jour, alors que ma maman faisait la queue derrière des gens qui en demandaient encore et encore tout en hésitant encore et encore, j’ai tiré de sous un étal un beau cageot en bois qui craque quand on le casse rempli des tomates que le marchand affichait comme fraîches et bien mûres. Comme je commençais à trouver le temps long à rester sans bouger, je commençais sérieusement à ressentir l’envie de m’amuser. Alors j’ai lancé les tomates les plus rouges très fort sur les pavés et elles faisaient de sacrés « flocs » en s’écrasant, je vous jure, et le jus giclait partout sur la jupes des mamans. J’étais fier de mon coup. Pourtant aussitôt ma maman m’arracha mon bonnet et me tira les oreilles qui ne devaient pas se décoller justement. Quand j’ai aussitôt hurlé et pleuré bien fort le marchand aussi rouge que gros a dit à ma maman « Vous martyrisez votre pauvre gosse pour deux tomates pourries avec lesquelles il a bien le droit de s’amuser ? Mère indigne. Bourreau d’enfants ». Et moi d’ajouter « C’est vrai quoi, je voulais juste vérifier qu’elles étaient bien mures les tomates du gentil marchand ». Ne sachant plus ou se mettre, ma maman s’excusa d’avoir sali le parterre et les habits des clientes, mais qu’elle promettait que cela ne se reproduira plus. Et du coup, elle est repartie sans rien acheter. Dommage car on les aimait tous bien les tomates de ce marchand à la maison…