Le corbeau et le taureau – Christian Satgé

Petite fable affable d’après un dessin de David Sanjaume

Un corbeau bien mal-allant
Allait, les ailes en ballant,
L’âme en pleurs, le cœur en peine
Par les clos et par les prés
En triste et terne livrée.
Il pleurait sur sa déveine.

Un vieux taureau noir le voit.
Et d’un rire dans la voix,
Bref vachard, il l’interpelle :
« Pourquoi bel oiseau en frac
Pleures-tu donc tout à trac ?
L’amour ou la mort t’appelle ? »

Notre endeuillé lui répond,
Comme on tance un fripon,
Que personne ici ne l’aime
Car il ouvre trop son bec
Et qu’il répond toujours sec.
« Voilà, là tout mon problème !

– Quand on est grand et très fort
La vie est d’un grand confort :
Et nul n’ose en mon empire
Troubler ma vie et ma paix,
Ou me parler quand je pais,…
Un petit n’a rien à dire !

Et mieux quand on est monté
Comme moi, jeune effronté,
Et père de qui habite,
Veau ou velle, en la prairie,
Personne, de toi, ne rit.
Alors quitte mon orbite !

Tu parles d’or, l’alourdi.
Mais tel qui rit samedi,
Dimanche fondra en larmes :
Tu es gras et gros, fort couillu
Mais très cornu… donc cocu !
Alors cesse ton vacarme ! »

Le taureau veut encorner
L’oiseau qui l’a écorné
Et qui depuis, peau de vache,
Narre à tous vents, incessant,
Humour et ton coassants,
Ce que le taureau remâche.

Si tu ne veux pas qu’on t’importune
Tais ta fortune : on aura tôt fait
D’y déceler quelque forfait,
Ou pire, quelque occulte infortune !

© Christian Satgé – octobre 2011

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
22 novembre 2017 16 h 44 min

Sourire, tellement vrai!!! bel écrit..
anne

Plume de Poète
Administrateur
19 novembre 2017 7 h 45 min

J’adore vos fables Christian, merci pour vos partages !
Nous apprécions également votre présentation auteur qui est à la hauteur de votre vertige littéraire.
Bonne continuation et au plaisir de vous lire encore.
Bien à vous,
Alain