Mur porteur – Laurence de Koninck

Êtres en construction, à tout âge, nous sommes les architectes de nos vies. Certains foncent tête baissée. D’autres avancent nez en l’air. Puis, il y a les funambules entre ciel et terre. Mais quels que soient nos dess(e)ins et l’énergie investis, au bout de l’aventure, le chantier demeure inachevé. Notre condition de mortel dans un monde provisoire, avec une date limite de consommation, nous incite à échafauder des plans, gagner du terrain, refaire la déco intérieure (nécessaire introspection). Autrement dit, à vivre intensément cet aller simple sans retour possible. Et à se croire malgré tout un peu immortel, tant que ça dure…

A pas de géant nous édifions, démolissons, recommençons. Inlassablement. Tel un Sisyphe bien rôdé, nous gravissons cent fois notre montagne. Pied de nez au temps imparti, gagné ou perdu. Tant pis s’il a parfois un goût de trop peu. Notre clé remontée à fond dans le dos nous pousse vaille que vaille à jouer les architectes aguerris. Duracell, durs à cuire !

Chaque année, en décembre, on se prépare à tirer un trait sur douze mois écoulés. Si chacun apporte sa pierre à l’édifice, c’est bien du sable qui file entre nos doigts. Les aiguilles de l’horloge ressemblent tant à des échasses sur le calendrier. On adore ou on déteste. Irrépressible envie d’ouvrir grands nos bras ou de rendre notre sablier !

Au pied du mur, on prend soudain toute la dimension de notre être, puissant et misérable. Entre fierté et honte, l’heure est aux bilans. Mais au-delà de nos états d’âme, il flotte dans l’air un parfum d’éternité, un petit goût de revenez-y. Une année inédite s’annonce et tout redevient possible ! On tire des plans sur la comète, on grave dans le marbre… Rêve et réalité se confondent. Hélas, en cette fin d’année, l’actualité mine nos terrains à bâtir. Existences fissurées ou champs de ruines… Ô qu’il est salutaire de claquer la porte au nez du passé, de rendre les larmes et caetera. Faites le mur pas la guerre !

Bulles en tête, plein d’allant le jour de l’An, offrons alors à ceux qui nous sont chers, architectes de nos vies eux aussi, les bons plans à toute épreuve: de l’amour ou de l’amitié – pierre angulaire de nos chantiers – et une santé béton. Une nouvelle année à dessiner ? On y va, on y croit… Nous sommes des bâtisseurs tout terrain !

© Laurence de Koninck – 28 décembre 2015

 

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Ecrire de la poésie me réjouit,
Jouer sur les mots m’enchante,
Et tant pis si rien ne se produit,
Je repasserai si ça me chante !

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9 Commentaires
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Invité
28 avril 2018 21 h 11 min

Joli texte, qui parle à tout un chacun… pour ma part, plutôt funambule et souvent en questionnement :)

O Delloly
Membre
30 mars 2016 1 h 11 min

Laurence, c’est bien écrit, et je l’ai lu jusqu’au bout, j’en suis ravi, si peu d’habitude, la longueur en ligne m’obsède, j’aime tant aéré les proses, justement pour que l’envie du lecteur se plaise à l’attent du mot suivant! Mais je suis ainsi! Alors, sache que c’est un bel hommage que je t’écris là ( si si ! enfin je e l’espère !)
” Au bord de l’océan, deux vieux pêcheurs , sur un banc, côte à côte, chuchotaient, tout en fixant l’océan !
Un tout jeune marin haut comme 3 pommes, les regardait d’un amour d’arrière petit-fils, puis posa la question
en réajustant sa mini casquette qu’il portait avec fierté !

-Dis moi Grand-père ! (les deux hors d’âge le regardèrent d’un sourire ineffable du temps ridé)
-Pourquoi toi, tu ouvres les yeux, et toi (en montrant l’autre grand père du doigt) tu les femes alors !
jamais, vous regardez les albatros en même temps. Tu sais Grand-Père, eux, ils volent toujours sur l’océan ensemble !

L’un l’attrapa et le posa sur ses genoux ! ” Mon cher capitaine ! Moi, je ferme les yeux lorsque je doute de la beauté de ma vie ! tandis que lui, les ouvre pour vivre cette vie d’espoir qui nous attend ! Chacun à son tour ! Et à notre âge, ensuite nous nous racontons les voyages! Mais tu comprendras plus terd mon petit !

Alors le petit capitaine dit, j’ai compris ! C’est comme la nuit, on éteint la lumière pour dormir, oublier et rêver ! Et le matin, la lumière du soleil nous offre la Vie pour que l’espoir vive notre journée , c’est beau !

Le second lui donnant un bisou dit ! Oui c’est la Vie, tel un marin qui attend le vent pour aller plus loin, cher petit prince ! !
L’enfant tout fier, donna une main à chacun des sages! … puis en riant , ferma, ouvrit, ferma, ouvrit…. ses yeux, sous les rires des mouettes et des Grands-pères.

Voici le texte que m’ a inspiré ton “Mur Porteur”, à l’instant même. Il est 1h10, je vais core mes paupières !
Bise

Invité
29 mars 2016 8 h 59 min

Ce sont les choses de la vie, tristes ou joyeuses on fait avec. La vie est ainsi faite.. On milite pour mieux être.

Invité
29 mars 2016 8 h 52 min

Beau texte merci

Véronique Monsigny
Membre
25 mars 2016 18 h 48 min

Votre prose est aussi fluide que vos vers Laurence. c’est un plaisir ! Merci de nous offrir ses vœux … à Pâques ! ça à du sens puisque Pâques est renouveau de la nature et du soleil.

Pour le coté un peu pessimiste, je dirais : qu’importe le chemin et le but, ce qui compte c’est ce que l’on vit et ce que l’on apprend en chemin, n’est ce pas ? Alors demain est toujours une nouvelle aventure !