Le tactac – Lucienne Maville-Anku

 

Le tactac

… Et quand je l’attrapais, celui-ci faisait parfois le mort. Il demeurait d’une immobilité totale. Je le regardais. Je l’observais. Et il arrivait qu’il fît un grand bond en hauteur de plusieurs centimètres et on entendait son “tac“, ce son bien sonore qui nous surprenait et nous faisait sursauter. Et je trouvais si rigolo de le voir essayer de se retourner quand il était retombé sur le dos… Parfois on l’aidait. Et un bond voilà qu’il faisait. Puis un autre grand bond. Puis encore un autre bond. Et cela devenait un jeu… et pour lui… et pour nous. Puis tout à coup, il sombrait silencieux dans son silence qui nous intriguait. Un mutisme froid. Oh, comme il savait bien utiliser sa tactique pour se libérer du filet de nos petits doigts de prédateurs qui l’emprisonnaient. Et nous aussi, nous savions, nous les enfants, si bien autant que lui, faire les morts… Et… Tac. Tac. Tac. Il se réveillait bruyamment. Il arriva cependant qu’il prît son envol…loin…bien loin.

Parfois on trouvait aussi des plus petits tactacs bruns d’un, ou de deux… ou peut-être de trois centimètres… mais je préférais toujours les plus gros de quatre ou de cinq centimètres. Maman en avait trouvé un tout noir que la lumière avait attiré chez nous un de ces jours.
Si chanceux, nous nous estimions quand nous en trouvions un dans la nature.

Nous leur caressions le dos et aimions les élytres blanches striées de noir qui embellissaient leur corps et scintillaient dans la nuit éclairée.  C’était elle, Maman, qui nous les avait fait découvrir, et elle nous disait qu’ils se faisaient de plus en plus rares. Ces Pyrophorus noctilucus de leur appellation scientifique.

J’étais enfant… Et je me demandais comment les tactacs s’y prenaient-ils pour réussir à émettre ces sons qui nous fascinaient et nous faisaient dialoguer avec eux. Et nous éclations de rires quand ils répondaient à nos questions.

On était un peu bidons, et leur demandait par exemple :
Combien de fois…untel… fait-il pipi au lit ?
Et on attendait la réponse.

Tac tac tac.
Il avait acquiescé de la tête et s’était exclamé : tac tac tac. Donc, on savait que notre tactac voulait dire que, untel faisait pipi au lit au moins trois fois. Et pour moi…ils sombraient…n’est-ce pas…dans leur mutisme froid. Et en vain, allait-on lui presser l’abdomen ou le thorax pour déclencher le merveilleux mécanisme qui les sortirait de son silence de mort.

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Lucienne Maville-Anku

Lucienne Maville-Anku (739)

"C'est en écrivant que j'apprends à écrire."
Je suis originaire de la Martinique, une des charmantes petites iles de la Caraïbe, et vis au Royaume-Uni.
J'écris depuis de nombreuses années, et ce sont les autres, dans un premier temps, qui par leurs nombreux encouragements et appréciations a la lecture de mes textes m'ont aidée à prendre conscience que j'avais des talents à valoriser.
Ce désir d'écrire et de mieux écrire qui niche en moi depuis l'âge de 15 ans n'a jamais cessé d'aller croissant. Aussi, j’expérimente que c'est le fer qui aiguise le fer, et que plus j'écris, plus je désire écrire, et apprends de la sorte à écrire en autodidacte, par le soupir, par le désir, comme un feu qui s'attise.
La Poésie elle-même m'enseigne, j'apprends d'elle et découvre plus de sa beauté et sa diversité en lisant et en appréciant ce que d'autres écrivent et expriment, notamment sur cette plateforme, terrain de partage et d'expérimentations où foisonnent tant de talents qui m'émerveillent. C'est une vraie galerie d'arts uniques.
J'écris et développe cet art d'écrire en cultivant ma relation avec la Poésie, 'bon pédagogue’ qui m'instruit et m'éduque, et l'écriture elle-même qui comporte aussi des vertus thérapeutiques contribue à mon développement personnel. Cependant, j'ai souvent désiré participer à des programmes de formation pour parfaire mes talents et la stylistique.
J'ai compilé déjà plusieurs recueils de textes poétiques que je souhaite "dé-confiner" pour les mettre à profit, partant du principe que ce que l'on partage, on le gagne, et ce que l'on garde, l'épargnant à l'excès, on le perd.

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Alain Salvador
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10 juin 2021 8 h 33 min

De jolis souvenirs d’enfance