Le loup et l’ourson – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Il y eut dispute et bougonnerie
Chez des fauves qui vivaient en frairie :
« Qui perd un ami de la montagne,
Dit le loup, ne sait pas ce qu’il gagne ! »
Il s’était brouillé avec cet ourson
Avec lequel il copinait, pour son
Bien – et le reste ! – depuis l’enfance.
Il allait le laisser seul et sans défense.
Cet abandon, malgré leur fâcherie,
Apparaissait fatale braverie.
Il suivait donc son ex-ami que l’homme
Fascinait, alors que lui savait comme
Cet animal est sournois et cruel,
Autant que pleutre et pleureur en duel.
Le plantigrade avançait, lent, placide,
Vers le hameau. Le loup qui est lucide
L’arrête en lisière des maisons
Et veut le ramener à la raison.

« Tu sais, plus que toi, j’ai couru le monde
Et je me sais partout la bête immonde
Qu’on craint à défaut de la respecter,
De tout on est prêt à me suspecter,
Mais, pour autant, je ne cours pas le risque,
Je le sais, de finir en ragoût ou bisque.
Je regrette que l’on se soient fâchés !…
Jamais un fusil n’osera me faucher
Mais toi, cible facile, gentillesse
Incarnée, tu finiras en pièces
Ou en carpette. Écoute qui sait
Ce qu’ici, pour toi, pourrait se passer :
L’homme est maudit et ses armes traîtresses… »
Un coup de feu stoppa net son adresse.
L’ours s’en fut plus loin, épitaphant
Pour ce loup si sûr qui le croyait faon :
« Quand, hélas, elle endort la méfiance,
Rien n’est pire que l’expérience ! »

© Christian Satgé – novembre 2016

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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6 Commentaires
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Eric de La Brume
Membre
1 juillet 2018 2 h 04 min

ah oui. A croire toujours tout savoir, parfois, on se trompe. Celui qui reçut le coup fatal, c’est le donneur de leçons. Bien démontré ici

Invité
29 juin 2018 20 h 33 min

Quelle agréable lecture.merci

Invité
29 juin 2018 16 h 51 min

Bravo Christian très beau partage profond et touchant, j’ai adoré ma lecture
Mes amitiés
Fattoum