Le fabuliste d’en ville & le conteur de village – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Un marchand de fables vint vivre en nos beaux champs,

Pour puiser dans notre décor champêtre

L’inspiration à de bucoliques contes aux méchants

Penchants dont le public tant aime à se repaître.

Il allait donc par le bourg le port altier,

Daubant l’épicier, morguant le laitier,

Car il descendait d’une quelconque

Cuisse gauche illustre du côté de Conques

Ou de Rochefourchat, et se moquait d’Aristide,

Le vieux conteur qui, en notre basse-cour,

Ne s’enorgueillissait jamais par nos bastides

 De sa haute extraction, avérée de toujours.

 

Alors on se gaussait fort de ce Ridicule,

Médiocre et ambitieux, deux qualités

Allant, las, de pair chez qui a quelque pécule

Qu’il croit pouvoir, sans aucune ambiguïté,

 Lui ouvrir grand les portes du Parnasse :

Puisque en nos bons lieux, las des nasses,

Même un pêcheur trouve des vers en quantité,

Pourquoi lui, devenu agreste invité,

Ne le pourrait mie ?! Il était après tout

Relativement jeune pour son âge : un chêne

Cède à la patience de la scie. Partout.

Donc même là où, en vain, les saisons s’enchaînent…

 

En attendant il faisait des mots sur Aristide

Qui égayait jà nos veillées en colportant

Des traditions ailleurs oubliés, fétides

Pour l’oreille policée de l’autre Important.

Il fit tant et si bien que notre bon chantre

Répliqua, un beau jour : « Si tu veux, que diantre,

T’en prendre à tous ceux qui, d’aventure, pourraient

Te faire de l’ombre, Petit, tu n’es pas prêt

À mourir d’insolation en ce bas-monde ! »

Qu’un vain rustique lui tînt la dragée haute

L’interloqua et plus encore quand il ajouta :

« Brisons là : je garde ma verve, si falote

À tant t’ouïr, pour autre chose qu’aoûtat ! »

 

© Christian SATGÉ – octobre 2021

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Martyne Dubau
Membre
14 octobre 2021 11 h 43 min

une belle revisitation du rat des villes et celui des champs!

bravo