Mémoires, pages 9 à 11 / 312 par Dominique Capo

A chaque fois que nous avons déménagé au cours des décennies suivantes, elle s’est investi avec force à cette activité. D’ailleurs, quand j’étais jeune, elle a, en vain, essayé de m’initier au même titre que ma sœur, au sport équestre. Or, autant ma sœur y a découvert sa voie et n’en n’a jamais plus dévié dès lors jusqu’à aujourd’hui. Depuis, celle-ci a en effet effectué des études poussées, puis a créé son propre club hippique qu’elle dirige toujours.

Mais moi, j’ai tout de suite été rétif à ce genre d’activité. Ma mère a bien tenté de m’expliquer que cela ne pouvait qu’être positif compte tenu de mon handicap. Elle m’a même excessivement incité à m’adonner à celui-ci. Mais rien n’y a fait. Et ce qu’elle pensait être un bienfait pour moi est devenu un cauchemar. Les quelques temps où elle a essayé de me convaincre, de me forcer – le mot n’est pas trop fort – à suivre l’exemple de ma sœur m’ont profondément traumatisé. A la suite de cette expérience malheureuse, j’ai pris toutes les formes de sport en horreur. Malgré le fait que j’aie par la suite essayé de me pencher sur d’autres sortes d’activités physiques, comme l’escrime ou le tir à l’arc, j’en suis venu à haïr – là aussi le mot n’est pas trop fort – toutes les formes de sport en général, ainsi que tout ce qui a trait aux activités physiques ou manuelles en particulier ; comme le bricolage, le jardinage, les ballades, etc. Au point qu’à chaque fois où mes parents me contraignaient à ce genre d’occupation, cela se terminait toujours pour moi par des crises de larmes. Au point que je revenais meurtri, profondément blessé, terrifié, par elle. J’en ai progressivement développé un traumatisme profond qui m’a poursuivi dès lors jusqu’à aujourd’hui.

J’étais – comme je le suis toujours – conscient que c’était pour mon bien. Je savais que si ma mère voulait me faire faire du sport, c’était afin d’entretenir mon corps et tenter d’amoindrir les effets de mon handicap. Mais non, ce qu’elle a essayé de m’inculquer s’est très tôt transformé en véritable phobie. De fait, au final, ma mère à concentré ses efforts dans ce domaine de prédilection qui était le sien, et qui avait trait à l’équitation, sur ma sœur. Et moi et mon frère avons joui de notre temps libre comme nous le souhaitions.

De fait, le jour où mon père a ramené chez nous ces dizaines de livres issus des salles où s’entassaient des centaines et des milliers de publications poussiéreuses de toutes sortes, j’ai été surpris. Lui qui estimait que c’était à la femme de s’occuper de sa descendance, et à l’homme de ramener l’argent du ménage – comme tout pied-noir qui se respecte -, ce n’était pas dans ses habitudes. C’est d’ailleurs à cause de ce comportement de sa part – entre autres -, que des dissensions entre mon père et ma mère ont alors commencé à apparaître ; c’est à dire au milieu des années 1980.

Les seules fois où il intervenait dans notre éducation, c’était pour nous punir après que nous ayons fait une bêtise ou que nous ne voulions pas obéir à ma mère. Dans ces cas là, il se mettait en colère. J’avoue que j’ai été terrorisé plus d’une fois par ses changements de ton. D’autant que son visage se transformait aussi. Il gonflait et devenait écarlate.

Mon père avait aussi la main leste, et même s’il ne nous a jamais battu à proprement parler, je me souviens avoir reçu nombre de « raclées » mémorables. L’une d’elles m’a particulièrement marqué : c’était aux alentours de 1978 ? avant la naissance de mon frère en 1980, et nous logions encore en appartement. Ce jour-là, mon meilleur ami d’alors et ses parents devaient venir nous rendre visite chez nous. Je me revois encore dans la cuisine de l’appartement, assis à table. Mon père s’est mis à hurler sur moi. Je ne me souviens plus de la bévue que j’avais commise. Mais, tout à coup, il m’a giflé violemment. C’était la première fois qu’il me frappait avec autant de puissance. A tel point que je me suis mis à saigner du nez.

C’est l’unique exemple où son geste a été aussi dévastateur. La preuve, j’en ai une réminiscence aujourd’hui encore, alors que je devais avoir à peine du dizaine d’années.

Toutefois, la plupart du temps, c’est ma mère qui gérait ces situations. Elle faisait intervenir mon père qu’en dernier recours ; lorsqu’elle n’avait pas le choix ; lorsque nous étions allé trop loin à son goût. Cela est arrivé assez peu souvent, il faut le souligner. Mais dans ce cas, les punitions étaient sévères. Nous pouvions être punis de télévision pendant un mois par exemple. C’était d’ailleurs la punition la plus grave. Et j’avoue que celle-ci me meurtrissait, comme tout gamin de mon age. Mais ce qui m’angoissait et m’effrayait le plus, c’était de voir mon père se mettre en colère contre moi. Il m’a fallu longtemps et bien des efforts pour me détacher de cette frayeur qu’il m’a inspiré durant toute mon enfance, mon adolescence et mon état de jeune adulte.

Même une fois le cocon familial quitté, l’effroi que m’inspirait ses colères est demeuré en moi encore longtemps. Devant lui, que ce soit à vingt ans, vingt-cinq ans ou plus, je devenais paralysé par la peur. Les phrases se nouaient dans ma gorge. J’étais incapable de réagir de quelconque manière. Et ce n’est qu’à l’issue de plusieurs thérapies de longue durée, après avoir rencontré plusieurs psychologues pendant des années, que j’ai pu m’en libérer.

C’était en 2004. Je m’en souviens également comme si c’était hier parce que cet événement s’est déroulé dans des circonstances particulières que je relaterais longuement plus tard. Tout ce que je peux dire ici, c’est que nous en sommes presque venu aux mains. Je l’ai, pour l’unique fois de ma vie, remis à sa place en lui disant ses quatre vérités. Je lui ai avoué tout ce que j’avais sur le cœur depuis des années. Depuis ce jour, il ne m’a plus parlé. Et jusqu’à sa mort il y a deux ans, il ne m’a jamais pardonné.

A suivre…

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