Mémoires, pages 6 à 7 / 312 par Dominique Capo

Depuis le milieu des années 1970, mon père travaillait au Ministère de l’Intérieur. Il appartenait à la section des Renseignements Généraux. C’est son service qui a mis en place l’un des premiers réseaux de renseignement sur les filières Islamistes. Mais ce n’est que vers le milieu des années 1980 que ces derniers se sont développés en France et que mon père et ses collègues les plus proches ont de plus en plus enquêté sur ce milieu. En fait, c’est avec les premiers attentats de 1986 que l’importance de son travail s’est révélé primordial ; et que sa cellule de renseignements sur les Intégristes Musulmans de France a annoncé l’aube d’une nouvelle ère. Plus tard d’ailleurs, mon père a aidé à mettre en place un peu partout en France de nombreux réseaux d’infiltration, d’enquête. Il a participé à des colloques internationaux, il a été intervenant sur des débats ayant lieu dans la plupart des écoles de police de France.

Pour ma part, j’étais encore trop jeune pour avoir une idée de la portée du travail de mon père. Bien que, parfois, j’ai passé des après-midi entiers dans le bureau de celui-ci quand ma mère était indisponible, avec ses collègues, a attendre qu’il ait fini pour rentrer à la maison en sa compagnie, je n’avais aucune idée de ses fonctions. Tout ce que je savais, c’était qu’il était Inspecteur Divisionnaire au Ministère de l’Intérieur. J’aimais beaucoup ses collègues, qu’il invitait de temps en temps chez nous pour déjeuner ou dîner. Ceux-ci m’appréciaient aussi, parce que j’étais sage lorsque j’étais dans leur bureau. Deux ou trois fois, mon père a organisé des réunions de crise chez nous, notamment en 1982 après l’attentat de la rue des Rosiers. La chance que nous avions pourtant, dans ma famille, c’est que mon père n’allait jamais sur le terrain ; il s’occupait davantage de la logistique, de l’organisation des enquêtes, du recoupement des informations que ses collègues lui procuraient.

Ce n’est que plus tard, une fois ses fonctions quittées, et lorsque les attentats islamistes ont pris l’ampleur que nous connaissons tous aujourd’hui, que j’ai réalisé l’importance de son travail. Et pourtant, à ce moment là, nous n’en n’étions qu’aux balbutiements des séquelles de cette guerre avec laquelle nous vivons actuellement.

Une des aptitudes des membres des Renseignements Généraux, c’est de collecter toutes les informations nécessaires à leurs investigations. Dans ce cadre, ils récupéraient systématiquement un exemplaire de chaque journal, chaque roman, chaque parution, disponible sur le marché. La grande majorité de ces derniers ne leur était d’aucune utilité. Mais le fait est que des salles entières des immeubles destinés aux Renseignements Généraux en étaient encombrés. Ouvrages de toutes sortes, y compris pour la jeunesse, s’y entassaient, et y dormaient sous la poussière et oubliés de tous.

Sachant que je lisais énormément, un jour, mon père a pris sur lui de ramener chez nous des dizaines d’entre eux qui y sommeillaient depuis des mois ou des années. Évidemment, c’étaient des textes destinés à ma tranche d’age. Je me souviens qu’ils appartenaient tous à la collection « Folio-Junior ». Je ne savais d’ailleurs pas quelle était celle-ci, puisque depuis que je lisais, mon attention était exclusivement concentrée sur les séries dont j’ai parlé un peu plus haut.

J’ai été surpris de l’initiative de mon père. Il était extrêmement rare que ce dernier se préoccupe de ses rejetons. Je suis en effet l’aîné de trois. Ensuite viens ma sœur cadette, dont la passion est, depuis qu’elle a l’age de cinq ou six ans, le cheval. Puis, il y avait mon petit-frère, le dernier de la fratrie, le chouchou de l’ensemble de la communauté familiale. Lui, ses centres d’intérêts étaient plutôt centrés sur le Judo, le Football et les jeux vidéos. Ce dernier centre d’intérêt nous a d’ailleurs très vite rapproché l’un de l’autre puisque nous avons passé de nombreux après-midi durant les vacances scolaires ou durant les week-ends, à nous adonner ensemble à ce loisir. Au grand dam de ma mère qui aurait préféré nous voir nous dépenser dans le jardin du pavillon familial, ou l’accompagner avec ma sœur au club hippique qu’elles fréquentaient.

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