Cette porte s’ouvrait
Sur un double bouquet
De lys blancs, ivoires,
En reflet du miroir.
Leur lourd parfum flottait,
La lumière explosait
Du blanc, rien que du blanc
Dans tout l’appartement.
D’une voix étrange,
Secouant la fange
Qui me collait la peau,
Il m’est arrivé, beau.
Moi, j’ai un peu parlé,
Lui, il n’a pas cessé
“Je ne me livre pas”
Il ne faisait que ça !
Enfin, je le croyais
Et je le regardais,
Ses cheveux longs tout blancs
Le rendaient émouvant,
Ses yeux verts se voilaient
Tandis qu’il m’expliquait
D’un fils les misères,
Très particulières,
Ses passions, son métier,
Il avait un voilier
Au bord du lac Léman
Il naviguait souvent.
Je sus que la chasse
Occupait la place
Laissée par la femme
Ignorant son âme.
Les lampes éclairées
Des colonnes marbrées
Brisaient dans les miroirs
La profondeur du soir.
“Il est tard sûrement”
Dit-il tranquillement,
Mais il restait assis,
Je le savais conquis.
Il ne pouvait briser
Le fil déjà tissé,
Nous nous faisions face
Hors du temps qui passe …
Il finit son verre,
Redevint sévère,
Il dit comme à regret,
“Je téléphonerai”.
Son regard appuyé
Dans mes yeux s’est noyé,
J’entendis un “merci”,
D’un bond il partit.
Depuis lors, chaque jour
Se nourrissait d’amour,
Rendez-vous, voyages,
Redonnaient courage,
A cet homme meurtri,
Comme le fait la vie
A un être sensible,
Le prenant pour cible.
“Ô dé-torture-moi”,
J’évaluais le poids
De cette gravité
Mais sans la redouter.
“Ô, comme je t’envie
De vivre ainsi ta vie,
Si claire, sans tabou,
Moi je deviendrai fou !
Tu te réveilleras
Un matin dans mes bras,
Et tu me verras vieux,
J’en serai malheureux,
Et je le suis déjà !
“Mais que dis-tu là ?
Ton âge est le mien,
Ainsi le temps n’est rien !”
“Non, tu es différente,
Mes démons me hantent !”.
Puis il m’étreignait fort
Pour contrôler son corps.
Quand j’ai lu ses lettres,
J’ai cru que peut-être
J’aurais dû l’amener
Dans ma réalité.
Je le croyais si sûr,
Je le voyais si mûr,
Avec nos sentiments
Nous serions triomphants.
Ce matin c’est l’adieu,
Mais je n’ai dans les yeux
Que son retour, l’espoir,
Ce soir de le revoir.
Je décroche, pressée,
Sa voix est fatiguée,
Il me retient même,
Je lui dit “je t’aime”.
Avant de raccrocher,
Je le sens oppressé.
Dernier jour de chasse,
Il est en Alsace …
Je l’ai tant attendu
Que je l’ai su perdu,
De tous mes sentiments
Naît ce pressentiment…
Une scène d’effroi,
Revendiquant sa proie,
Sa maîtresse, la mort,
Se dresse sur son corps,
Ce terrifiant écho,
Plus tranchant qu’un couteau,
Dans un monde d’horreur,
Fait éclater mon coeur.
Remerciements à Christian Satgé et à Ghazy Belghazy, qui eux dépassent de loin, mon style quelque peu scolaire.