Goutte à goutte – Stéphane Breizh

Je fais la vaisselle, propre, rincée, mise à égoutter,
Je n’essuie pas ; la nature est bien faite, elle peut m’aider,
J’attends, devant l’égouttoir, le temps qu’il faut, quelques heures,
Je surveille cette pellicule d’eau qui s’assemble en gouttes,
Je constate que les gouttes se forment, comme une sueur,
D’ici, je suis au premières loges, je n’occupe que l’espace de mes pieds,
Je vois bien la trame du drame qui se joue, sur l’évier,
Au bout d’un temps oublié, fondent les gouttes et disparaissent,
Je peux ranger, avec l’habitude, je ne vérifie plus chaque élément,
Je me lance en confiance, un torchon à la main, par prudence,
Sèche, la vaisselle regagne ses placards, rangée,
Verres à pieds, verres à eau, carafon, je vérifie la transparence,
Parfois, d’une maladresse on peut gâcher l’ambiance,
Et le drame, voyez-vous, c’est par le beurrier qu’il est arrivé,
Une goutte, plus grosse qu’une perle, gît là, au coin du couvercle,
Une goutte bien abritée, accrochée au verre, refuse la loi de la thermodynamique,
Je regarde l’effrontée, des reflets du jour s’y déposent, incrustés,
Elle épouse la forme du coin et s’arrondit en mercure entêté,
Eau, verre, métal, une goutte de Cristal pend, fière de sa pureté,
Des heures, deux ou trois feront tomber en goutte à goutte ce poison,
La machine, accrochée, donne la dose et la vitesse de distribution,
Accroché, à l’autre bout, par une boite implantée, attend un fils étendu,
Son père assis sur une chaise sans âme, attend, détend, amuse, fournit des passe-temps, ému,
Les gouttes tombent, l’une après l’autre, pas comme cette goutte réfractaire,
Les mêmes couleurs les animent, liquide reflétant notre espoir, impatients,
Dehors, le printemps chante et nous profitons de la douceur de l’air,
Les heures s’égrènent, en goutte à goutte, sans torchon à la main,
Le petit squelette, tête nu, excepté un dernier duvet, est sage,
Son Papa, sans savoir pourquoi, doit sortir cacher ses larmes, pleines de lourds présages,
Encore des gouttes qui sortent de ses yeux fatigués de pleurer,
Le fils guérira, le père ne saura jamais pourquoi toutes ces gouttes, sueur, larmes, poison,
Le torchon efface les réminiscences d’une goutte sans raison,
Rangée, la vaisselle protégée, les heures à son chevet passées, il est temps de ranger le torchon.

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