Du tapage chez les taupes – Christian Satgé

                                                                                                     Petite fable affable

Ah, Monsieur Taupe a beau ne pas voir
Bien plus loin que le bout de son nez,
Il est riche d’un large savoir
Que, chez les Anciens, il a glané.

Lisant que Marc Aurèle disait
Qu’avant la nuit, chacun, tous les jours,
Dans son quartier, pouvait bien croiser,
Sans bien s’en rendre compte toujours,
Un indiscret et puis un ingrat,
Un insolent, un fourbe, un envieux
Et un égoïste des plus gras,
Il se sentit soudain las et vieux.

Et Monsieur Taupe, lui si bigleux,
Vit clair : sa famille correspondait
À chacun de ces penchants, morbleu,
Que son bon romain vilipendait.

Il s’en ouvrit, pour voir et savoir,
À sa femme, un être fort grimaud
Mais à qui, vrai, il en faisait voir
Des vertes, des pas mûres, chameau :
Il lui cita franco cet auteur
Qui lui a enfin ouvert les yeux
Sur tous les siens qui, non sans hauteur,
Étaient une engeance, par les Dieux…

Primo l’indiscrète était sa mie
Car elle le réveillait, matin,
Demandant s’il avait bien dormi.
C’était là façon de Baratin !
Puis, déjeunant, il voyait l’aîné,
Ingrat ne disant jamais bonjour,
Et sa fille, rusée qui peinait
À le flatter pour tirer toujours
Quelques sous pour ses frivolités.
Enfin, ceux qu’ils ne pouvaient plus voir,
Venaient à lui après leur nuitée :
Ses beaux-parents… Des pas beaux à voir !

La vieille répétant qu’on l’oublie,
Le vieux reluquant ses à-valoir…
Il aurait donné tout l’or de l’Italie
Pour les envoyer se faire voir !

Voilà Madame Taupe irritée.
Cela se voyait comme le nez
Au milieu de son museau mité.
« Vas te faire voir !… Sans chicaner,
Ton humain voyait tous ces faquins
Dans sa rue ; Tu les vois sous ton toit ;
Mais moi je les côtoie, c’est mesquin,
En une seule personne : Toi !

Tu fouilles mon courrier tous les jours ;
Tu vis dans l’antre de mes parents
Mais ignores qui m’a mise au jour,
Ruses pour jouer l’intempérant

Et tu lorgnes sur le testament
De mon cher père et sur ses avoirs ;
Tu gardes pour toi seul, vers et mans,
Mais ça n’a sûrement rien à voir !…
Pour supporter un pareil époux,
Il faudrait être une sainte aux Cieux…
Et il voudrait me chercher des poux ?!
Je voudrais bien vous y voir, Monsieur ! »

Méfions-nous des mots chantournés,
Des préceptes érigés en édits :
Ils peuvent toujours se retourner
Contre qui les croit… et les dit !

© Christian Satgé – février 2013

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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