L’ocelot & le coyote – Christian Satgé

Petite fable affable
 
La paix ancrée au cœur face aux aléas
De la fortune et aux risques d’ici-bas,
Un jeune ocelot quitta sa dense et noire
Forêt pour les plateaux où il voulait boire
Les éloges dus aux beautés sans pareilles
De sa livrée colorée. Une merveille !
Car quand on est si beau, il faut le montrer !
Que ça se sache et dise. Or, en sa contrée,
L’ombre le masque, les autres le jalousent,
À commencer par la panthère qui épouse
La nuit sombre même au grand jour. Folie
Que d’avoir un pelage si peu joli !
Donc, lassé de ne trouver d’enthousiasme
À se voir tel qu’il est que dans le sarcasme
Des petits singes ou dans le miroir des eaux,
Il quitta les basses terres à cacao
Qui l’avaient vu naître et toute sa famille :
Il est un âge où il faut briser sa coquille !
Foin des dénicheurs et fi des chasseurs.
Il part vers les plateaux, alerte danseur.
Parmi rocailles et rocs des terres hautes,
Il croise, drapé en ses loques, un coyote.
Face à la terne pelisse dépenaillée,
Plus usagée qu’âgée, sans guère atermoyer,
Notre jeune tacheté, tout mépris, lâche :
« Quelle horreur un habit sans couleur ni tache !
 
– C’est qu’il est taillé pour se fondre aux rochers,
Qui est l’endroit où je viens à crécher !
 
– Je ne goûte ni le servile propos, ni l’offense.
Mais comment peut-on vivre sans l’alliance 
Entre la grâce et la beauté, mal accoutré ?
– On n’est pas plus sage de salir que d’outrer !
À quoi sert donc l’éclat sans l’esprit, Dépouille ?
 
– Dépouille ? Voudrais-tu me chanter pouilles ?
– Que nenni, l’Ami !… Mais l’Aigle que tu vois,
Là-haut, lui, t’a repéré quand ma voie
Est fort protégée par mes hardes et guenilles.
Va, je te laisse à votre proche gambille ! »
© Christian Satgé – mars 2021

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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