Le veau dévot – Christian Satgé

Petite fable affable

Un veau mondain jouait les petits saints
Pour mieux cacher de bien plus noirs desseins.
Ce jeune Tartuffe, un peu monté en graine,
Reluquait le pis et le dessous de queue
Des velles de son pré, le mufle muqueux,
Surtout les pucelles au port de reine.
Toutes cédaient, même succombaient ses sœurs,
À ce Dom Juan jouant les confesseurs !

Fils du taureau, il serait bientôt le maître
De son troupeau, partout où il irait paître,
Mais se comportait déjà en tant que tel.
Une se refusait à lui, cabotine,
Donc il la dénonça comme libertine,
– Elle le valait bien ! – Dans ce cheptel
C’est un bœuf, oncle du veau, qui est le prêtre
Et il est aussi strict qu’on peut le paraître.

Sur plainte de son parent paroissien,
Il tance la jeunette qui, du sien
Côté, dénonce l’autre bel hypocrite.
Le bœuf sermonne son pervers de neveu :
« Comment toi, qui voudrais prononcer tes vœux,
Oses-tu, jouer ici au sybarite ?!
Pharisien !… Tu peux crier ou pleurer
Pour avoir voulu, ton père et moi, leurrer
Tu seras châtié comme tu mérites !

– Comment peux-tu croire mensonges et mots
D’une pécheresse aux instincts animaux,
Moi qui fus nourri au bon lait, sous ma mère,
Ta sœur ?!… Oh, bon oncle, je suis innocent !

– Appelle-moi « Mon Père », vil indécent :
Lucre et luxure sont des cigües amères !
Me croirais-tu, par hasard, aveugle ou sourd ?
Je sais ton jeu et, sur lui, plus d’un bruit court !

– La femelle est tentatrice, délatrice,
Du veau d’or la fervente adoratrice.
Elle est coupable de tout, et de toujours.
Fait le veau. Ton job et le mien, peut-être
Demain, est d’encadrer, de punir ces êtres
Qui tueraient le veau gras n’importe quel jour !

– Qui sait son métier, parfois, agit en fruste
Mais qui sait son devoir le fait toujours en juste ! »

© Christian Satgé – décembre 2015

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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11 Commentaires
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Laurence de Koninck
Membre
9 janvier 2019 13 h 57 min

Bravo Christian, je me régale toujours autant à vous lire!

Invité
8 janvier 2019 20 h 58 min

Sourire, une belle fable à La Fontaine, bravo!

Invité
8 janvier 2019 17 h 15 min

Et s’il fait son devoir en juste, aucun ne partira à veau l’eau ni à veau lait comme disait son oncle le père Sienne… Quant au veau mondain, il me rappelle quelqu’un ! Et je me demande si ce commentaire (pourtant admiratif) veau quelque chose !

Invité
7 janvier 2019 22 h 30 min

Bonsoir Christian c’est toujours agréable à vous lire superbe texte très profond et très symbolique bravo.
Douce nuit
Mes amitiés
Fattoum.

Invité
7 janvier 2019 19 h 34 min

Bonsoir Christian quel texte et triste fin pour le veau bonne soirée