Le moine et le poète – Christian Satgé

 
Petite fable affable
 
Tout Porto accourait aux trois offices
D’un moine qu’on croyait intelligent,
Dur pour le faible, avec le grand diligent
Mais des choses du monde négligent.
Il portait sous sa bure, le cilice,
Refusait les dons, quête et bénéfice.
Ce frère savait par chœur son latin
Et tançait son prochain dès le matin.
Mais le saint, avec tout être complice,
Se livrait aux délices de cent vices.


Un jour, en coulisse, entre deux services,
On le fit inquisiteur du pays,
Car il pestait et priait comme Isaïe.
Ses vertus connues, qui aurait haï
L’élévation du lustreur de calice ?
Jugeant sans artifice ni caprice
Le blasphème, l’erreur, l’apostasie,
Il traqua le marane et l’hérésie
Et, pour Dieu, fit de flambants sacrifices
Aux saines vertus purificatrices.


Par malheur, des rimes calomniatrices
Dévoilèrent au grand jour ses penchants.
Le prêcheur pécheur se fit plus méchant
Afin qu’insensés, cessent, séant, ces chants.
À force de plaies et de cicatrices,
On lui avoua que ces immondices
Étaient d’un jeune poète indécent,
Un lisboète aux trop libres accents.
Le procès fut bref, malgré les épices,
Et longues furent douleurs et supplices.


On sut par l’indiscrétion d’un novice,
Qu’en fait, le brûlé était un parent
De même sang que l’apôtre célébrant.
Pour d’aucuns, flamber son frère, au demeurant,
Prouve que droite est la divine justice
Et vertueux qui en fait l’exercice !
Si, jouant de ses amis ou d’appâts,
L’un s’élève haut et son frère pas,
Le premier ignore l’autre et, en Suisse,
 Il renie jusqu’à son père et sa nourrice.
 
© Christian Satgé – janvier 2012

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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