Un loup bileux somnolait de vieillesse.
Atteint de cécité, il broyait du noir !
Quand une agnelle primée vint à le voir :
“Mon loup, rappelle-toi de ta jeunesse !
Tu fis d’une pierre deux coups, je fus orpheline !
Ta cruauté était obscène, je venais de naître.
Un paysan me prit sur son échine.
Il me sauva. Je me plais à le reconnaître !
Mes pauvres parents sont morts de ta barbarie.
Ils aimaient paître, vivre de générosité.
Bêlant gentiment pour appeler Pâris
Ou léchant la main d’un jeune déshérité !
Pauvre sot, tu ne pourras pas expier ton crime !
Tiens, ouvres ta gueule et bois un peu d’eau.
J’ai connu un gaillard que le sang ranime!
Tu es l’unique matelot sur le radeau !”
Le vieux loup qui parlait peu, ému
L’agnelle qui s’en alla quérir un prêtre
Un silence passa, puis il y eut,
Un vacarme, un tremblement, le tonnerre.
Et l’éclair qui foudroya la bête !
Morale de cette fable presque parfaite :
méfions-nous du loup qui sommeille.
Et de l’homme à l’envie guerrière!
Préférons le cirque, l’école buissonnière
Au bel enchanteur, qui nous surveille !
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©Georges Cambon – 10/09/2018