TOME XIX – Le lièvre et la princesse
En seconde année, il fallait faire le grand écart entre Paris IV Sorbonne, dans la rue du même nom, de son annexe qui allait ouvrir sise Porte de Clignancourt. Cette fois il fallait également se laisser écarteler entre les cours de philosophie et ceux de musicologie.
Un nom, une tête, une phrase : Premier cours de logique formelle et symbolique avec un dénommé Lelièvre. Il avait presque la tête de Pierre Desproches (qu’on adore et que j’embrasse, pour faire comme Nagui), mais pas les oreilles plus longues. Après s’être présenté, le bonhomme au sourire malin écrivit sur le tableau noir à la craie blanche
Trente paires d’yeux demeurèrent écarquillés le temps de la cuisson d’un œuf de caille mollet.
Alors avec un grand sourire, la parole revient à notre logisticien : Comment lisez-vous cette phrase, Comment la comprenez-vous ? Qu’y manque t-il ? Comment la ponctuez-vous ? Fusèrent aussitôt trente interprétations différentes. Il les retranscrit toute au tableau avec les différentes façons de ponctuer de La belle ferme le voile (sans que l’on sache ce que la belle ferme voile), à La belle, ferme le voile ! (ordre de l’homme à son amante). Tout ceci pour nous montrer la nécessité de maîtriser les connecteurs logiques ! Ce professeur sorbonnard nous a vraiment donné le goût de la logique formelle et aucun étudiant n’a jamais posé de lapin à son TD hebdomadaire !
Je ne dirais que deux mots des cours de psychologie assurés par monsieur et madame Ansart. Les cours magistraux, avec monsieur, traitaient du développement psychologique du très jeune enfant (Le oui et le non, le stade du miroir etc) et les TD de madame nous faisaient découvrir la pensée de Sigmund Freud à travers ses ouvrages et ceux des post, néo et pseudos freudiens. Tout cela pour vos dire que les approchent étaient variées. Le dernier cours, cette femme d’habitude sérieuse jusqu’à l’austérité, nos fit une confidence, sourire au lèvres : « Si vous saviez ce que mon mari et moi nous sommes dits hier soir au coin du feu »? Après un hochement de tête de déni collectif, elle nous révéla le pot aux roses : « Nous nous sommes dits : qu’est ce qu’on leur aura fait avaler comme couleuvres durant toutes cette année. Nous avons balancé à nos étudiants de vieilles conneries auxquelles on ne croit plus depuis longtemps et il prennent cela pour paroles d’évangile ! ».
Ayant opté pour l’option Biologie, je bénéficiais des cours magistraux de l’école de médecine, dans la rue du même non, et de TD à Clignancourt. Le thème de l’année était l’embryologie. Notre enseignante venait du centre de formation à la psychologie et de la biologie de l’enfant situé juste en face de notre annexe et l’accompagnait une de ses étudiantes. De cette étudiante, je m’étais fait une amie aussi élancée qu’élégante avec qui je faisais souvent un bout de chemin en rentrant le soir. J’avais toujours un appareil photo sur moi et je prenais des photos discrètes de mes amis et amies. Un soir, j’avais organisé chez mes parents une soirée qui devait réunir mes amis de l’année et j’avais confectionné des invitations avec leur photo (surprise).
Je n’oublierais jamais la tête de cette amie qui ,en voyant mon invitation, a refusé de s’en saisir et l’a poliment déclinée, sans aucune explication. En arrivant chez moi, j’ai dit à ma maman « Je suis un peu déçu car Caroline, ma dernière et meilleure amie a refusé de venir. Je lui montre l’invitation et ma maman s’exclame « Mais c’est Caroline Raignier ». Je lui demande comment elle connaît son nom et elle me répond : « Comment se fait-il que tu n’aies pas reconnu Caroline de Monaco. »
Je crois que j’ai regretté d’avoir snobé la télé car j’aurais vraiment eu la honte d’arriver avec une princesse croyant dépanner une étudiante le temps d’une soirée à la bonne franquette chez mes parents !