La Rongy – Daniel Marcellin-Gros

La Rongy… 2018

C’est un petit village pas très loin de chez moi,

(Où se blottissent encor des terres paysannes,

Bordées par une route bossue et de guingois,)

Mais quand on y arrive, il plaît à l’œil profane!

Les maisons en pisé ont un toit dauphinois,

Révélant le talent des vaillants charpentiers,

Ne connaissant jamais , ni vertige, ni froid,

Qui par leur tour de France ont appris le métier!

Et le bouquet final en haut de la structure

Sanctifiait le travail accompli par les hommes,

Se rapprochant des cieux en haut de la toiture,

Et qui, de leur bravoure n’étaient pas économes!

Ce village très ancien ressemble à un hameau,

Il est le précurseur du grand bourg de Virieu,

Où madame la Marquise sauva de beaux marmots,

Des camps de la mort, quand la France était en feu!

Et tous ces petits Juifs, conduits à Ravensbrück

Auraient connu l’enfer et l’atroce barbarie,

Des nazis leur tirant une balle dans la nuque

En riant et dansant dans ce charivari!

Dans les caves du château imprégnées de salpêtre,

La dame cacha des armes pour bien des résistants,

Afin qu’ils envoyassent nos durs ennemis paître,

Par delà les frontières, et ce, pour très longtemps!

Maintenant les chevreuils courent dans le vallon,

Qu’a su si bien chanter le poète Lamartine,

Et l’on entend hurler les furieux aquilons,

Décoiffant les grands arbres, les haies et les chaumines!

Cet écrin de verdure sourit aux promeneurs,

Qui adorent écouter le clapotis des eaux,

Et cueillir des bouquets comme font les flâneurs,

Ou voir quelques grenouilles sauter dans les roseaux!

Tout en douceur, discrète, la petite église,

Accueille tous les dimanches ses quelques paroissiens

Qui viennent au bénitier laver leurs âmes grises,

Sous l’œil torve de Jésus qui lorgne ces pharisiens!

C’est un cérémonial, tel un marché de dupes

Auquel chacun souscrit par de feintes prières,

Les hommes tout en velours, les femmes en longues jupes,

Mangent le corps du Christ mort pour eux au calvaire!

A la fin de l’office, les hommes vont boire l’absinthe,

Tandis que leurs épouses vont faire la tambouille,

Ce travail est pour elles une banale astreinte,

Tandis qu’une nichée d’enfants autour d’elles grouille!

Les blés sont moissonnés et rentrés dans les granges,

Le froment va voler telle plume en volière,

Et le meunier sera presqu’aussi blanc qu’un ange,

Cet envoyé céleste jailli de la poussière!

Cela fera du pain à la croûte dorée,

Pour calmer l’appétit tenace des familles,

Afin que l’ordinaire fusse amélioré,

Pour les jolis moutards plus fins que des brindilles!

C’est un coin de campagne à nul autre pareil,

Les prairies sont broutées par vaches et taureaux,

Qui vont sous les grands chênes s’abriter du soleil

Tandis qu’un chien les course sous l’œil du pastoureau!

Cette terre est très proche de celle de mes aïeux,

Sa douceur cache aussi la rigueur paysanne,

Mais quand on sait l’aimer on la foule en tout lieu,

Alors, telle voyante elle livre ses arcanes!

C’était le temps béni de mes jeunes années,

Où le bonheur s’ouvrait comme une belle rose,

Quand du lait me sortait en me pressant le nez,

Ne pensant pas qu’un jour ma vie serait morose!

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©Daniel Marcellin-Gros

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