La rancune de la chouette – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Une chouette, hélas, mathusalémique
Était devenue la risée des forêts.
Mais elle avait la stratégie du secret,
Et se sachant par tous moquée, l’anémique
Effraie jouait, là, à qui perdait l’esprit,
Pour glaner à moindre frais ou à vil prix
Mille fort précieuses informations ;
Car la docte n’était pas, face à l’engeance
Des bois, disposée à une passion
Ni même à s’en laisser conter en silence :
Au-delà de la dénonciation,
Les mots nous sont parfois force et violence
Même si l’on en use sans virulence !

 

Jadis, la miro faisait autorité :
Chacun la consultait, qui pour sa sagesse,
Qui pour sa justice ou son intégrité,…
Ses savoirs et connaissances, avec largesses,
Elle les dispensait aux foules des feuilles,
Au vain peuple de l’herbe et des quintefeuilles
Qui recherchaient sa morale et ses valeurs.
Mais les temps changent. Et, comme on craint qui pense,
On adula des gens plus hauts en couleurs,
Leur ignorance et la force qui dispense
De réfléchir – qui, sûr, ne mêne à rien ! –
On bannit le travail et ses récompenses
Puis on idolâtra les vauriens,
Les tiques, les cafards, les acariens,…

 

Donc, désormais, elle se couche à l’avis
Du premier blaireau venu, sans réserve,
Aux idées folles des faisans pleins d’envie
Pour la Culture qu’elle seule préserve.
Sous la ramée c’est bêtise et zizanie,
On y vit d’invectives et de sanie.
Lassées de ces désordres d’idées, les foules
Folles dégoûtées par la vile anarchie,
Se tournèrent vers la chouette maboule,
Ce rapace décrié que l’on conchie,
Qui les envoie tous paître avec diligence
Et s’envole mais, avant, les affranchit :
« Oublie qui t’a brisé !… Est-il dans l’urgence,
Que cela t’en sera plus douce vengeance ! »

 

© Christian Satgé – juillet 2016

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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