Entre deux grand-mères (seconde partie) V
La première partie de ce chapitre vous faisait découvrir mes premières vacances en Bretagne chez ma grand-mère paternelle qui se prénommait Angèle, mais comme on l’appelait ma mémé de Saint Brieuc je l’appelais Mémé Brieuc. Et pourtant quand je buvais mon chocolat chez elle, elle me le servait dans un bol gravé au nom d’Angèle. On ne devait pas fabriquer de bol au nom de Mémé Brieuc. Je nai jamais connu mon grand-père Victor.
Mon autre grand-mère, la maman de ma maman, se prénommait Marguerite. Je crois que je vais devoir lui consacrer tout un chapitre ultérieurement. Elle était mariée à Georges Périnet aussi je l’appelais respectueusement Mémé Périnet.
Dans ce chapitre voulais juste vous raconter ce que j’ai en mémoire de mes premières vacances chez elle et chez mon grand-père à Mussy sur Seine, ville frontière en la Champagne et la Bourgogne. Cette ville aussi devrait mériter un chapitre à elle toute seule.
La première chose qui me revienne à l’esprit, c’est cette odeur d’humidité qui vous saisissais dès le l’on ouvrait la robuste porte d’entrée en chêne, de moins en moins clair au fil des années. Il faut dire qu’au bout du long couloir il y avait la descente vers l’une des deux caves dont la première partie servait de “garde- manger”. Le frigidaire des pauvres. Des caisses à lapin réaménagées pour y stocker les laitages principalement. J’aimais descendre incognito dans cet antre mystérieux peuplé de centaines de bouteilles, les unes emmaillotées dans du papier très fin jaunissant et les autres toutes recouvertes de grosse poussière pas vraiment sale. Je me demande comment mon grand-père faisait pour y distinguer un vin rouge d’un vin blanc. Pour le champagne, pas de problème la bouteille n’a pas la même forme.
A cette porte, j’aimais bien aller ouvrir à ma cousine Babeth. En vrai, elle s’appelle Elizabeth, mais Babeth allait mieux avec son petit bout de nez retroussé. D’ailleurs ,son papa était le plus jeune frère de mon grand-père. On l’appelait l’oncle Raymond. Il portait toujours un béret comme tous les tontons de la famille et presque tous ceux de la ville d’ailleurs. Je me souviens très bien de deux choses de cet ongle : sa moto Peugeot qu’il rangeait dans la remise depuis la guerre et tout le bleu qu’il avait sur lui : habillé en bleu de travail de la tête aux pieds avec toujours un paquet de gauloises bleues dépassant de sa poche. Il en avait toujours une à la bouche. Un jour il m’a fait une drôle de blague l’oncle Raymond. Il m’a dit : “Crois-tu que je suis capable de faire ressortir la fumée par mes oreilles ?” . A son œil vif et malin, je m’attendais à ce qu’il me joue un de ses tours dont il avait le secret. Alors j’ai répondu : “Chiche”. Il m’a alors dit « Pose ta main droite sur mon bleu au niveau de mon nombril pour que la fumée ne ressorte pas par là et ne quitte pas des yeux mes oreilles ». Ce que j’ai fait immédiatement. Il a alors aspiré une longue bouffée et quand il a ôté la gauloise de sa bouche, au moment où la fumée devait ressortir par ses oreilles, j’ai ressenti une vive, mais brève, brûle sur le dos de ma main collée sur son bleu : il venait d’y écraser sa cigarette avec un sourire qui voulait dire « Ca t’apprendra à croire n’importe quoi ». Je l’aimais bien ce tonton blagueur qui osait ce que les autres tontons n’auraient jamais osé. J’avais hâte d’avoir l’âge de fumer des gauloise pour faire la même blague à tous mes copains.