Des mineures et des pas mures à la Sorbonne – Autobio Tome XVIII – Jean-Marie Audrain

XVIII Des mineures et des pas mures à la Sorbonne

Après quelques années de macération, les souvenirs commencent à décanter.

Il faut d’abord que je vous rappelle que pour le DEUG, je devais choisir des Unités de Valeurs (UV) à « options ». Comme tout m’intéressait, je m’étais inscrit à toutes ne voulant pas choisir entre biologie et mathématiques, philosophie arabe et philosophie juive, psychologie et sociologie, philosophie hindoue et philosophie chinoise. De fait, des cours étaient en concurrence temporelle et j’ai dû délaisser la sociologie, la philosophie arabe et la philosophie chinoise. Finalement, je n’ai pas tout perdu car tout était enseigné dans un esprit de complémentarité et une discipline nous était sans cesse présentée en comparaison avec celle qui se déroulait en même temps dans la salle d’à côté. Par exemple on nous expliquait les points d’accord et les divergences entre Maïmonide et Averroès, sans oublier les correspondances de ce dernier avec saint Thomas d’Aquin.

J’appréciais ce plongeon dans les langues anciennes et dans les argumentations médiévales. Chacun respectait et écoutait (ou plutôt lisait avec bienveillance) les écrits de ceux qui pensaient différemment.

Le cours de mathématiques était donné par un professeur de Math Sup. Je savais que j’allais me sentir tout petit (comme un élève de Maternelle supérieure) alors, qu’en fait, c’est lui qui était de petite taille avec un look à la Harpo Marx : yeux écarquillés, cheveux en éventail et tenues excentriques. Il nous a tout de suite passionnés en nous initiant à la topologie. Il avait apporté un ballon baudruche pour nous expliquer que, depuis le Big Band, l’univers était en expansion de part en part, comme si quelqu’un soufflait dans un ballon baudruche depuis 16 milliards d’années. De ce fait, à grande échelle, l’espace était courbe. Cette découverte me rassura car je me suis toujours demandé pourquoi je trouvais la géométrie plane inutile au collège ; inutile car inexacte finalement. Juste bonne à mesurer ma table de classe, mais pas pour envoyer une fusée sur Jupiter ! Comme si cela allait de soi, cet esprit brillant nous expliqua les deux théories sur la courbure de l’espace : calcul côté concave ou coté convexe. Jamais les mathématiques ne m’avaient parues aussi énigmatiques, aussi fantasmagoriques.

En philosophie de l’Inde, Michel Hulin, notre professeur, était un homme très zen qui partageait parfois ma banquette de RER, habitant à deux pas de chez moi. Je n’ai pas seulement retenu ses enseignements sur la Bhagavad-Gita, le Rig-Véda et les Upanishads, mais il nous faisait entrer dans l’esprit même de la pensée yogique en nous invitant à lire l’ouvrage de Mircéa Eliade Patanjali et le yoga. J’en ai retenu deux principes applicables au quotidien : le maître ne doit pas se considérer plus grand que le disciple aussi l’un est l’autre s’assoient-il au même niveau à même le sol. Quand tu croises quelqu’un sur un passage étroit et qu’il y a un passant marchant en sens inverser, c’est à toi de marcher dans la flaque d’eau pour éviter que l’autre y marche et s’y mouille. La compassion en action en un mot.

Je vous laisse méditer sur ce souvenir imagé qui est un guide pour les pas de chacun, avant de partager avec vous de menus souvenirs de mes cours d’autres UV de tous les âges, majeures comme mineures…

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Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (509)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

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