Ça ne casse pas trois pattes à un canard boiteux – Christian Satgé

Petite fable affable

Sauvés de la Naïade et donc déconfits,
Deux canards voulant davantage d’avantages,
Se pliaient en quatre, quoi qu’on dît ou qu’on fît,
En leur basse-cour des bords fort venteux du Tage,
Pour cancaner leurs exploits les plus farfelus :
La témérité n’est pas propre aux chevelus !

Avec la moindre galline ils brisaient la glace,
Causaient à tout un chacun leur galimatias,
Entre vanteries falaces et, las, salaces
Menteries espérant grains ou, mieux, mias,
Et narraient leurs « aventures » à tous les bipèdes,
Ces lassants et croquignolesques palmipèdes !

Un de leurs parents aimait peu leur baratin
Depuis qu’ils l’avaient estropié, galéjade
Ayant mal tourné. Rêvant que ces plaisantins
Se fassent rissoler un jour dans l’orangeade,
Il proposa une gageure à la hauteur
De l’immense ego de ces mystificateurs.

 

Le Soupe au Lait, dès potron minet, d’eux exige,
Pour qu’ils cessent enfin de lui courir
Sur le haricot, de faire ici de la voltige,
Là quelques sauts de cabri sans plus discourir.
C’était fort de café : « ici » était la route
Et « » le fleuve… Et qu’ont donc fait céans ces croûtes ?

Nos deux canards, quitte à devenir les dindons
De quelque farce, armés d’un fier courage,
Pour aller danser la gigue et le rigodon
Imposés par l’éclopé, le firent avec rage…
Et y perdirent la vie à peine palme haut
Posée sur le bitume ou l’aile effleurant l’eau.

De ce couac-là on ne fit pas une affaire.
Les casse-pieds valant pis que jour de pluie
Il se disait jà : « Le désir de bien faire
Est un très puissant moteur, mais dia, celui,
De faire du bien est plus puissant encore.* »
Dès lors, on se le tint pour dit chez les pécores…

.

* D’après Michael Aguilar…

 

© Christian Satgé – janvier 2018

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
20 juillet 2018 13 h 59 min

Une bien vrai moralité, tant pis pour les coin-coin. .fallait bien se tenir !
J’adore vos fables.
Anne