Surprenante traversée – Elsa Mary

C’était au mois d’août 2060: Cabosse rentra directement de l’école chez-lui, après une interminable matinée de ¨Philologie interplanétaire systématique” avec, à l’appui, une grande interrogation écrite sur l’explication, la description et les conséquences des gênes informatiques appliqués du système Orion 18.

Il alla directement dans la cuisine pour avaler une dose maximale d’éther hallucinogène B33 dont il glissa quelques échantillons dans sa proéminence thoracique; puis, exténué, il rentra dans sa chambre, et se jeta sur la position fœtale programmée par son lit adhésif. A peine allongé, il vit le mur s’entrouvrir et laisser apparaître une psyché aux rebords recouverts d’une sorte de gélatine verte.

Poussé par la curiosité, il s’approcha et fut attiré par cette forme adipeuse. D’un seule coup il fut happé, et débarqua dans un gigantesque loft pour lequel il eut un flash surprenant: tant de désuets petits robots, à son goût, encore mécanique. Pourtant il ne put s’empêcher d’éprouver de l’émoi lorsqu’un de ces petits robots, manipulé par un jeune garçon de son âge, produisait une musique cosmique si magnifique et tellement différente de la musique dite universelle qu’il avait l’habitude d’entendre, qu’il en tomba évanoui.

Au bruit de sa chute Yack se déconcentra et quitta le piano. Il fut pétrifié par cette présence hirsute. Alors, il se saisit d’un lance-pierre et visa Cabosse qui venait à peine de reprendre conscience et avait l’œil déjà fixé sur le calendrier métallique qui mentionnait: 18 août 2001: 16h15.  Ils s’invectivèrent, mais avec prudence:

-J’en étais sûr! Te voilà! Et tu n’es même pas habillé! -s’écria Yack qui attendait avec une fois démesurée, déjà depuis pas mal de temps, les extraterrestres…

-Dis-donc, je n’ai pas eu le temps de prendre mon dico-phone! Quel charabia Est-ce là ?…ah! C’est vrai…2001…donc c’est du vieux français…attends un peu que je fasse appel à mon traducteur incorporé!-. Rétorqua Cabosse.

-Tout doux, tout doux mon brave, de quelle époque es-tu?-.

-18 août 2060 pour vous servir. -répondit Cabosse un tantinet ironique.

-On verra bien qui va servir l’autre, lui transmit par pensée Yack qui ne savait pas la capacité télépathique de cet intrus.

Après s’être toisés mutuellement, Cabosse se vit en un clin d’œil vêtu du plus bel harnachement qui, à son époque, n’était porté que par les animaux savants. Il n’eut pas le temps de protester car l’enfant venait de se remettre au piano, et Cabosse, encore sous l’emprise de sa forte dose d’éther hallucinogène B33 vit toute une flopée de nains et de doigts en circonvolution et ne put s’empêcher de danser sur la tête et les avant-bras. Ils passèrent ainsi des heures fabuleuses, la langue liée à l’incommunicable, se comprenant au travers de cette musique inouïe que découvrait Cabosse avec une jouissance extrême. Il put ainsi découvrir ses papilles gustatives au cours d’un succulent goûter qu’il échangea contre une dose maximale de zinc citronnée qui était restée dans sa proéminence thoracique, et qu’il proposa à son jeune ami, qui, de ce fait, lui désigna toute la médicamentation de la petite pharmacie de sa salle de bain, en essayant de lui démontrer qu’il n’était pas malade.

En matière de salle de bains, Cabosse fut offusqué lorsqu’il apprit la façon dont Yack se lavait les pieds dans cette ridicule fontaine, le reste du corps dans un marécage à teneur restreinte, lui qui s’autonettoyait avec une simple prise de Néofate 500.

Il découvrit le skate-board et d’autres sports qu’il trouva barbare comme la boxe, le golf miniature et bien d’autres! D’autres part, à son avis, les vaisseaux transmutatoires, nom dont il affubla les voitures, sentaient mauvais et étaient complètement rétrogrades et farfelus dans la manipulation. Les denrées et hypnotiques que prenait la vieille grand-mère de Yack étaient compliqués et dangereux dans leur administration, à son avis à lui, pour lequel tous ces derniers étaient injectés en une seule dose à la naissance, dans le “zirconflexe” de son cerveau, et s’épanchaient automatiquement dans le sang et les organes lésés, lors de l’éclosion de la maladie choisie et /ou acceptée par l’individu.

Il en était de même pour les prothèses qu’il qualifiait de tonitruantes: par exemple le doigt plâtré du copain de Yack, mais plus mystérieusement encore, les dents de la grand-mère dans un petit récipient! Il en tomba à la renverse et se prit l’épaule dans la gélatine verte d’un autre miroir placé là, qui l’aspira gloutonnement.

C’est alors que, sans avoir pu dire ni au revoir, ni merci, il se retrouva dans sa chambre où son calendrier parlant lui annonça qu’il était au 19 août 2060. Il éprouva un grand déchirement, il venait de passer qu’une journée en 2001 et il avait tellement appris. La musique universelle de son époque cinglait l’air provenant du rez-de-chaussée et lui paralysait les capteurs auditifs. Son lit l’interpella d’une voix caverneuse et monocorde et prit la position du chien de fusil: il obéit et se coucha de l’autre côté.

Son réveil se mit à hurler l’heure et son robot-flic à le secouer comme un prunier, programmé par ses géniteurs qui s’étaient inquiétés par son absence. Cabosse jeta un dernier regard sur le mur qui se scellait peu à peu. Alors, pris par un élan magistral pour Yack, et un écœurement soudain pour son ère, ainsi qu’une attirance mystique pour ce qu’il venait de quitter, il se jeta à corps perdu au travers de la fissure restante, pour parvenir au miroir qui le conduirait auprès de sa nouvelle famille si poète et si kitch!

La dernière bouffée d’oxygène aseptisé et soporifique que propageait sa chambre à cette heure tardive lui brûla une dernière fois les poumons. Il empoigna sur son trajet et au vol sa planche seespeed à lévitation pour l’offrir à son nouvel ami, c’est avec un énorme rire presque surnaturel qu’il se laissa engloutir pour un nouveau Destin.

Fin

The End

Fine

Monique MORRO

Cette nouvelle est extraite du recueil “Brouillard de mots”. Pour plus d’information rendez-vous sur:  www.edilivre.com/doc/596256

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Elsa Mary

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Elsa MARY, née le 15 janvier 1988, après un baccalauréat littéraire, a commencé ses études à Paris IV-Sorbonne dans le parcours Langue, Littérature, Civilisation Etrangère italien, anglais avec l'option théâtre italien, avant de se réorienter dans le parcours Théâtre, Lettres modernes à Paris III-Sorbonne Nouvelle.
Passionnée d'arts, elle a suivi des cours de sketches au café-théâtre "Le Bout", joue de la guitare, compose des partitions pour des poèmes, va voir des pièces de théâtre et des films, et continue ses recherches en autodidacte pour ses prochains textes.

Monique MORRO est née le 8 mars 1949. Elle s'est éclatée aux Baléares, pendant une dizaine d'années, en tant que réceptionniste. Puis ce fut la chute sur Paris, après un grave accident, les séjours nombreux dans un hôpital psychiatrique libre. A partir de là, elle se mit à découvrir l'écriture et le dessin automatique. C'est là où elle commença sa petite recherche en autodidacte.

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2 Commentaires
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Plume de Poète
Administrateur
28 mars 2015 7 h 48 min

Merci pour ce partage, c’est un plaisir à la lecture !