Si on ne cultive pas la mémoire
On oubliera si on ne la cultive pas
La mémoire
On oubliera ce qui s’est passé
On oubliera que cela s’est passé
Et on oubliera aussi ces générations qui nous ont précédés
Nos pères et nos mères dont le sang
Encre d’encriers
A coulé et stagné au fond de cales
De tant de bâteaux négriers
Si on ne cultive pas la mémoire
Qu’aujourd’hui nous rappelle
On oubliera ce passé douloureux
D’un peuple de peuples qui a pleuré
De peuples d’un peuple qui a croupi
D’un peuple qui a tant prié et crié
Et poussé en gémissant des soupirs ensanglantés de prières enchaînées d’entrailles de bouches que taisaient des bourreaux sans pitié
Si on ne cultive pas la mémoire
On oubliera d’où on vient
De matrices meurtries
On oubliera là où tout a commencé
Là où on a été conçus et tissés
Là où on a été formés
On oubliera le ventre
Le ventre et ces vœux
Et les vœux de ventres qui nous ont portés
Pour la délivrance
Pour notre liberté
Si on ne cultive pas la mémoire
On oubliera la corde
La corde et le lien
Le lien de la corde qui relie le tout
Et qui le tient
Si on ne cultive pas la mémoire
On oubliera tout simplement le tout
Et on ne pourra défaire les nœuds
Du présent d’un passé qui lient au quotidien pour demain
Si on ne cultive pas la mémoire
On oubliera d’où on vient
On oubliera le passé et ces marques
On oubliera son passé à soi
Et les marques de son soi
Qui s’inscrivent dans l’histoire
Et on coupera la corde qui tient le tout
En défaisant ces nœuds qui serrent
Les nœuds de son Histoire à soi
Racines entremêlées
Si on oublie de cultiver la mémoire
On oubliera d’être libres
Et de le rester
©Lucienne Maville-Anku, 22/05/20, 08:15