Retour sur cet Enfer dont je dépends – Dominique Capo

Depuis que je suis enfant, les grandes questions existentielles que j’ai évoquées dans mes textes précédents m’ont toujours passionnée. Je n’ai eu de cesse de m’intéresser à ces sujets : Dieu, le Passé, le Présent et l’Avenir de l’Être Humain – non pas en tant qu’individu, mais en tant que Race -, l’Espèce qui, un jour, et inévitablement, va lui succéder, le Passé et l’Avenir de notre Planète, de notre Système Stellaire, ou de notre Univers. Autant de questions aux multiples implications, religieuses, philosophiques, scientifiques, qui m’ont, depuis toujours, passionnées.

Depuis que je suis enfant, mon regard s’est toujours tourné vers les Cieux, alors que ceux de la plupart des personnes que j’ai côtoyées ne pensaient qu’à leur quotidien. Alors que je réfléchissais à d’où nous venons et où nous allons, mes amis, ma famille, mes proches, ne rêvaient que d’un “métro-boulot-dodo” qui m’était aussi étranger que si l’on m’avait parlé en chinois. Alors qu’ils espéraient me voir contribuer à leurs désirs ou à leurs ambitions, je me réfugiais dans les livres parlant de Mythologie, d’Histoire, de Sciences, d’Astronomie ou de Religion. Je m’ennuyais de leurs conversations évoquant leurs tracas quotidiens. Je m’épuisais à écouter leurs soucis journaliers ; puisque mon Esprit les avait laissé derrière moi pour se pencher sur le devenir de l’Homme, sur son Histoire, ainsi que les Enseignements riches de Sagesse. Réfugié au cœur de Bibliothèques, je m’en abreuvais, je dévorais textes et récits de toutes origines sans aucun parti pris. Je quittais à chaque fois que je le pouvais ceux qui m’entouraient et dont les échanges m’assommaient, pour me plonger dans cette multitude d’ouvrages qui m’envoûtaient. Je me souviens que j’en avais en permanence une demi-douzaine en cours de consultation ; que la table de chevet jouxtant mon lit était – est toujours – encombrée de dizaines de volumes à lire très bientôt.

A chaque fois que l’on m’obligeait à me couler dans ce moule que l’on me destinait, je souffrais terriblement. Combien de crises de larmes ai-je vécu, lorsque l’on me condamnait à suivre sagement ces interminables repas auxquels je ne n’avais pas le droit de prendre part. Combien de souffrances ai-je subi lorsque l’on m’obligeait à faire du sport, alors que je ne rêvais que de livres, de silence et d’introspection. Combien de fois ai-je pleuré d’avoir dû suivre mes parents pour une séance de jardinage ou de bricolage, alors que je vivais cela comme un viol de ce que j’étais réellement. Je ne saurai le dire, mais elles ont été innombrables et m’ont marqué au fer rouge pour le restant de mes jours.

Sans parler, bien évidemment, des moqueries et des railleries de mes camarades de classe, lorsqu’ils me voyaient à l’écart, le nez plongé dans un livre dont ils ne comprenaient rien. Sans parler du rejet permanent au cours de mon enfance et de mon adolescence, parce que je ne pensais pas de la même façon que ceux que je côtoyais au quotidien. Car, dès que j’avais le malheur – semblaient-ils le plus souvent considérer – d’ouvrir la bouche et de prendre la parole en public, leurs visages se fermaient automatiquement ; ils détournaient le regard ou murmuraient entre eux je ne sais quoi. Ou, pire encore, ils me coupaient systématiquement pour reprendre leurs discussions précédentes. Ils m’évitaient dans les couloirs ou les classes ; le plus souvent, je me retrouvais seul au fond de la salle de cours ou être celui dont on ne voulait pas dans le groupe ou à la table. Les filles ne me faisaient pas la bise le matin pour me dire bonjour, comme c’était la coutume vis-à-vis de mes camarades dans la plupart des cas. Les garçons, eux, qui se serraient la main, ne m’approchaient même pas ; ou lorsqu’ils y étaient obligés, s’essuyaient ensuite les mains comme s’ils venaient d’effleurer quelque chose de sale. Je me souviens en particulier d’une fois où je discutais avec un camarade avec lequel, pour une fois, j’avais sympathisé. Nous attendions de pénétrer dans la classe à proximité de celle-ci, puisque l’heure d’y entrer n’avait pas encore sonné. Nous parlions d’une éventuelle vie extra-terrestre à l’extérieur de notre Système Solaire. Un groupe de garçons est alors arrivé, près à franchir le pas de la porte de classe. En nous entendant parler, l’un d’eux s’est esclaffé, déclarant haut et fort : “Qu’est ce que c’est que ces conneries ; vous nous soûlez avec vos idioties. Ici, il n’y a qu’une seule chose qui intéresse les mecs de notre âge, ce sont les filles, le sexe, les sorties en boite, faire la fête et nous saouler.” ; paroles aussitôt reprises en cœur par ceux qui l’accompagnaient. J’avoue que cet événement, apparemment insignifiant, m’a profondément troublé, au point que je ne l’ai jamais oublié.

De la même manière qu’il y a une dizaine d’années maintenant, juste après mon emménagement dans l’appartement que j’occupe actuellement, pour remercier les personnes qui m’ont aidé dans mon déménagement, j’ai organisé une pendaison crémaillère ; tel que le veut la tradition. Bien-sur, les trois-quarts des étagères installées le long des murs de ma nouvelles habitation, croulaient sous les centaines, les milliers, de livres que j’ai acheté depuis longtemps ; depuis, en fait, que j’ai quitté le domicile familial et que j’ai pris mon indépendance. Or, durant cet événement, l’un des participants s’est étonné de voir tant d’ouvrages – d’Histoire, de Sciences, d’Astronomie, de Mythologie, de Philosophie, d’Archéologie, sans compter les innombrables romans et de Bandes Dessinées de toutes sortes – qui étaient en ma possession. Il m’a interrogé à haute voix : “Mais, tu as lu tout cela ?” ; “Oui, lui ais-je répondu, évidemment. Et encore, ce n’est qu’une infime partie de ce que j’ai lu au cours de ma vie”. Puis, il m’a rétorqué : “Moi, je ne pourrais jamais lire tout cela ; cela doit plus être ennuyeux qu’autre chose.” Avant de se mettre à rire grassement.

J’ai dès lors, comme tant de fois dans le passé, ressenti une grande honte m’envahir. Oui, cette honte d’être différent, de penser différemment, d’apprécier des sujets, d’avoir des centres d’intérêts différents, des passions différentes, de celles de la grande majorité de mes contemporains, de mes voisins, de mes parents, de mes proches, oui autres. J’ai également ressenti une profonde amertume se diffuser en moi. Et, comme les nombreuses fois précédentes, je me suis replié en moi. Et j’ai réalisé que je n’avais pas d’autre choix que de me réfugier dans cette bulle, au sein de cet antre solitaire, afin de ne pas être blessé par l’intolérance et le manque de compréhension des millions – des milliards ? – de personnes qui lui ressemblaient. De me protéger, moi et la grande sensibilité dont je suis le détenteur, de taire, de dissimuler, ce qui fait de moi ce que je suis, afin de ne pas être davantage blessé que je ne l’ai déjà si souvent été. Et, surtout, d’écrire, de continuer à écrire, de développer par les mots et les pensées qui inondent mon Ame, les mille réflexions philosophiques qui me hantent. D’enrichir mon imaginaire de cette Sagesse livresque, de cette avidité à connaître et à comprendre le monde et l’univers qui m’entoure, avant de le retranscrire dans les récits dont je suis l’auteur. Tant pis pour ceux qui ne l’acceptent pas, qui ne l’entendent pas, seul dans ma retraite, à l’abri de leurs persécutions, ils ne m’atteignent pas. Je regrette seulement que cette jeune femme, si belle, si séduisante, si envoûtante, si attirante, si déroutante, que je courtise ici depuis tant de temps, ne me vois pas tel que je suis réellement. Car, mon plus grand rêve, ce serait de l’aimer aussi passionnément, de m’unir à elle physiquement et intimement avec la même ferveur et le même dévouement que ce que j’ai décrit précédemment.

De fait, en attendant des jours meilleurs, je poursuis mon œuvre en m’interrogeant plus avant sur ces divers sujets qui m’interpellent tant. Je continue de m’abreuver aux sources de ce Savoir immense. Et je franchis chaque étape de cette incroyable Quête que je défends en usant des thèmes dont ma vie dépend…

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