Mémoires, pages 56 à 57 / 311 – Dominique Capo

Quant à ma grand-mère paternelle, on m’a raconté qu’elle a des racines alsaciennes. Son mariage avec mon grand-père a été sa seconde union. Elle aurait précédemment convolé avec un espagnol avant de faire sa connaissance. Elle a été la tenancière d’une brasserie à Alger jusqu’à ce qu’elle, son mari, et son enfant – mon père, alors âgé d’environ dix-huit ans – ne soient contraints d’abandonner tout ce qu’ils possédaient à l’issue des « Accords d’Evian ». Elle a ensuite ouvert un magasin de mode à Marseille. Puisque dans sa jeunesse, c’est dans ce domaine qu’elle a en débuté sa carrière. Parallèlement, mon grand-père et ma grand-mère se sont établis au sein de l’un des immeubles les plus élevés du quartier de la « Belle de Mai ». C’est cet appartement du dernier étage d’un building d’une bonne vingtaine d’étages que je revois quand je pense à eux. Et même si je ne garde aucun souvenir des premières années de mon existence – ma sœur et moi sommes nés à Marseille, mon petit-frère à Bondy -, pour leur avoir rendu visite en plusieurs occasions jusqu’en 1987, son agencement me demeure familier. J’aurai probablement l’occasion d’y revenir.

En tout état de cause, ma grand-mère paternelle a très tôt transmis la recette de la coka à ma mère. Et pour le grand plaisir de nos papilles, elle nous en a maintes fois confectionné ; et elle continue à le faire.

Mon père aurait été satisfait qu’elle se borne à ce rôle de cuisinière et de femme au foyer. Çà n’a jamais été dans son tempérament. Ma mère a, depuis son adolescence au Sénégal, été passionnée par l’univers équestre. Quand elle était domicilié à Dakar en compagnie de ses parents, elle s’y est adonnée sans retenue. Elle a concouru à des parcours d’obstacles et y a remporté nombre de trophées. Ils sont rangés quelque part dans notre résidence familiale du Doubs. Je ne sais pas si ils sont sur les hauteurs de la bibliothèque apparaissant au centre de la propriété ? C’est elle qui sépare ses deux parties. S’ils sont placés à l’intérieur de l’un des habitacles dissimulant films Super-8 de mon grand-père, cassettes-vidéos, jeux de sociétés périmés, etc. ? Ceux-ci se dévoilent en face du secrétaire et de la banquette en face du meuble bordant cette longiligne pièce à vivre. En tout cas, ils sont là-bas.

Je suis convaincu que, si durant toutes ces années, elle n’avait pas pu s’investir dans ce sport, ma mère aurait été profondément malheureuse. Déjà qu’avec quelqu’un comme mon père, sa vie n’a pas été des plus simples ! Elle a affronté d’innombrables tempêtes au cours desquelles nombre de personne auraient baissé les bras. Elles auraient abandonné ce qu’elles avaient construit ! Si elle n’avait pas pu trouver une sorte d’équilibre personnel auprès des clubs équestres avec lesquels elle a été en relation, je suis persuadé qu’elle n’aurait pas tenu le coup.

Ma mère est une femme à la forte personnalité. Elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. Ni mon père, ni quelqu’un d’autre ne l’a en aucune manière impressionné. Et pourtant, Dieu sait que la caractère de mon père a été excessif, éloquent, redoutable, séduisant. C’est pour cette raison que leurs différends ont été source de conflits d’une telle ampleur. Mais, bien que soumise à son influence pour de multiples aspects du quotidien, il n’a pas réussi à la convaincre d’abandonner cette discipline. S’il était parvenu à ses fins, ma sœur n’aurait pas découvert sa vocation. Elle n’aurait pas suivi les études l’ayant porté là où elle est. Elle ne serait pas devenu la propriétaire du centre équestre qu’elle administre, et où ma mère enseigne toujours une fois par semaine.

A suivre…

© 2017 – Dominique Capo

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Abdelkader Ferhi
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27 octobre 2017 12 h 16 min

Merci Dominique pour cet émouvant récit autobiographique. Votre mère, vit-elle toujours? Si elle est en vie, quelles impressions doit-elle ressentir à la suite de sa séparation d’Alger où elle avait vécu pendant la période coloniale? Je comprends le déchirement de tous les français nés ou ayant vécu en Algérie.