Poète à l’œuvre – Christian Satgé

Guernesey, 1856
À l’heure où la mer à elle seule remplit la nuit
De ses bruits menant, lancinant roulis, à l’ennui,
Le vent frémissant lui souffle force idées. Le poète
Prend une plume qui, dans le feu d’un frisson, feuillette
Ses pensées où perce l’humain , et que berce une main
Inspirée. Là tout son esprit, mutin, jusqu’à demain
Courra sur le lutrin pour draper du noir de son encre
La virginité d’un feuillet où comme, ferait un cancre,
Il a fait de quelque goutte tombée une araignée,
Et lui a offert, en traits, pour abri un châtaignier.
L’âme vagabonde en sillons réguliers où il sème
Des mots, fait germer des images qui sont autant de gemmes,
Et lever des phrases, des locutions moissonnées
À la faux de sa calligraphie qui, vers à sonnets,
Seront mis en gerbes de quelques livres, tome après tome,
Laissant au pauvre glaneur retrouvant sa dignité d’homme
Le plaisir de les ramasser et de les amasser
Pour se rassasier et étancher sa soif d’ « assez » :
Il n’est paysan plus généreux que celui qui cultive
Son jardin pour le bonheur de ceux qui par trop mal vivent…
Et ce poète laboure le velin pour cela,
Pour ouvrir l’esprit du sot, pour défatiguer le las…
La plume fertile partie à l’aube à l’assaut de pages
Immaculées chaloupe encore quand c’est l’éclairage
Qui soutient la lumière du soir pour achever
Un vers retouché, illuminer une strophe au chevet
De laquelle notre chantre en lapidaire se penche,
Pour la tailler, la polir sans que le calame flanche
Car le plus dur reste à faire après avoir colligé
Le chant des muses il faut maintenant, là,  le corriger.
© Christian Satgé – novembre 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Lucienne Maville-Anku
Membre
8 novembre 2020 10 h 05 min

Ce texte est sublime t beau et si riche l’emploi de figures de styles.
J’aime :
“Le poète
Prend une plume qui, dans le feu d’un frisson, feuillette
Ses pensées où perce l’humain , et que berce une main
Inspirée.”

“Courra sur le lutrin pour draper du noir de son encre
La virginité d’un feuillet où comme, ferait un cancre,
Il a fait de quelque goutte tombée une araignée,
Et lui a offert, en traits, pour abri un châtaignier.”

L’abri d’un chataîgner, dirais-je,
Est cette plateforme sur la toile.
Merci, Christian Satgé.