Paulette dite Tata Popo : Un coeur, des sous et des soucis (troisième partie) – Autobio Tome XLIV – Jean-Marie Audrain

XLIV – Paulette dite Tata Popo : Un coeur, des sous et des soucis (troisième partie)

Les clients de Tata Popo affluaient à Réception Services, ce petit magasin en coin de rue juste à côté de la Croix de Berny. Certes, pour rester amis avec ses clients, elle fermait les yeux sur les retours de locations : déguisement rendus sales et tachés, vaisselle non lavée, verres maculés de rouge à lèvres etc.

Elle aimait d’ailleurs raconter certaines anecdotes comme celle du queue de pie dont elle n’avait ni retour ni nouvelle. Celui-ci lui fut ramené trois semaines plus tard avec une énorme déchirure copieusement imbibée de rouge. La cliente sans-gêne expliqua à tata Popo : « Vous avez dû comprendre qu’il s’agissait du costume loué au pianiste qui vient d’être assassiné d’un coup de poignard dans le dos et dont tous les médias ont parlé ». Tata Popo ne voulut paraître ni gourde ni trop exigeante et remercia juste la cliente avant de jeter à la poubelle le costume chèrement acquis exprès pour le louer.

Tonton Claude avait fait jouer les relations de Paulette pour se faire embaucher au centre sportif et culturel Lyonel Terray d’Antony. Il y assurait l’accueil et le bon déroulement des mouvements et occupations des salles. Libre le dimanche, il en profitait pour relaver toute la vaisselle louée par tata Popo.

Dans ce genre d’enseigne, on gagne 90 % de son salaire annuel à l’occasion des fêtes de fin d’années. Tata Popo ouvrait tôt le matin et fermait tard le soir, 6 jours sur 7, si bien qu’elle n’avait jamais le temps de porter ses liasses de billets à sa banque pourtant située juste à côté de la charcuterie jouxtant Réception Service et à laquelle elle se rendait tous les midis retirer la barquette commandée pour la manger en toute hâte derrière sa caisse enregistreuse. Il se trouva que cette année là elle avait gardé en caisse tous ses revenus des semaines précédant Noël et ce celle d’entre Noël et le jour de l’an. Le soir de la saint Sylvestre, au moment de la fermeture, toujours retardée, 3 hommes masqués rentrent précipitamment dans la boutique et l’un d’entre eux lui place un couteau sous la gorge en la menaçant : « La bourse ou la vie » ? Tenant à sa peau tata Popo lui donna toutes les liasses de billets dormant sous sa caisse enregistreuse. Les jeunes s’enfuirent en courant, le temps que Tata Popo appelle la police qui lui répondit qu’en absence de flagrant délit constaté par ses soins, elle ne pouvait pas intervenir.

Cela engendra, financièrement, pour Paulette, non seulement une année blanche, mais l’obligation d’aller tirer sur la manche de ma grand-mère Marguerite pour rester en de bons termes avec ses amis banquiers. Tonton Claude lui dit que l’année suivante il ferait la fermeture avec elle le soir de la saint Sylvestre. Arriva donc l’heure de la fatidique fermeture l’année suivante. Tonton Claude avait lui aussi un couteau dans la poche. Trois jeunes masqués rejouèrent le même scenario, mais en mettant un couteau sous la tête de mon oncle et de ma tante qui dut à nouveau leur donner toutes ses liasses de billets. Cette fois, ces voleurs étaient en auto, mais tonton Claude se précipita sur le chauffeur et tenta de l’égorger. En vain, sa peau était aussi dure que celle d’un crocodile. Tata Popo lui dit de laisser tomber car elle venait d’appeler le police et que celle-ci était en route. En effet, une voiture de police leur barra le bas la route et les fit descendre de leur véhicule. Ils n’étaient plus que deux, le troisième s’étant enfui avec les liasses de billets. En l’absence de l’objet du délit, la police fut contrainte de laisser repartir les deux autres occupants du véhicule arrêté. Tonton Claude en regretta de ne pas avoir davantage insisté avec son couteau constatant la faiblesse des forces de l’ordre, mais un brigadier lui dit que c’est lui et non eux qui serait allé en prison. Cet officier s’engagea à faire une ronde au même endroit à la même date l’année suivante.

Le soir de la Saint Sylvestre arriva et tata Popo n’avait toujours pas pris le temps de soulager sa caisse enregistreuse de ses gains d’un mois complet. Cette fois les trois hommes masqués se précipitèrent, l’un tint tata Popo à l’écart de sa caisse, un autre se saisit des billets et ils rejoignirent le troisième larron qui tenait la porte fermée tout en faisant le guet. Ils repartirent tranquillement en voiture. Tata Popo appela aussitôt la police qui lui demanda l’immatriculation du véhicule. Quand elle leur répondit qu’ il était déjà loin au moment où elle était sortie, on lui répondit « A quoi bon nous appeler ? En plus ce n’est pas la première fois que cela vous arrive. Vous devriez savoir comment riposter ».

Cette fois le bas de laine de Marguerite ne put rien pour Paulette qui dut déménager pour un magasin plus petit et plus loin de la Croix de Berny, sis au fond d’une cour peu visible depuis la rue. A nouveau cela serait son enseigne et son logement.

Heureusement qu’il n’y a eu à courir nulle part pour se déguiser, souffler dans des cotillons et s’envoyer à la figure toutes sortes de boules et de serpentins. Tata Popo avait toujours tout sous la main et tonton Claude cachait dans son coffre les incontournables bouteilles de champagne et de bourgogne. Ma grand-mère avait préparé un bon repas de réveillon pour ses deux filles, leur conjoint et son unique petit fils.

Je crains qu’au réveil, Tata Popo et Tonton Claude aient cru sortir d’un mauvais rêve…et d’avoir perdu l’amitié de leur ami banquier.

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Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (517)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

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2 Commentaires
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Grant Marielle
Invité
23 décembre 2020 11 h 31 min

Pourquoi faut-il que le malheur s’abatte à ce point sur une aussi bonne personne?Malgré tout, ça réchauffe le coeur de la voir souriante et aimée de son mari sur cette belle photo!