A l’AMC, mon papa, Maurice surnommé Maumau, fut tout de suite placé devant un dilemme crucial : il avait flashé sur deux jeunes filles bourguignonnes qui avaient toutes les deux un charme différent et qui étaient, l’une comme l’autre, déjà copieusement convoitées. Il lui allait falloir se décider vite…et bien. La plus introvertie se prénommait Marie-Louise et la plus exubérante Paulette.
De sortie en sortie, sa perception des personnalités et son choix s’affinèrent et ce fut Marie-Louise qui devint sa Milou devant Dieu et devant les hommes. Au final il ne serait pas perdant dans l’affaire conclue car, durant quelques années, il vivrait dans la famille de sa promise devenue sa dame, avec ses parents et…sa sœur.
Vous avez lu en tout début de cette biographie que mes parents ont eu et perdu à la naissance leur fille Marie-Thérèse et que leur fille suivante a été estropiée lors de l’accouchement par le même obstétricien dont ils ignoraient être sous l’emprise de l’alcool. Cette seconde fille se prénommait Anne Marie et fit la joie de toute la famille malgré son handicap qui faisait d’elle une poupée-chiffon. Vous avez eu un aperçu de ce que fut sa brève vie dans le chapitre consacré à ma famille avant ma naissance. Personne n’aurait imaginé qu’elle serait rappelée au ciel dès l’âge de 4 ans. Par bonheur, son papa aimait la photographier sans même savoir que sa vie serait si écourtée. Revoyant ces photos, je me demande si ma petite sœur ne souffrait pas non seulement dans son corps, mais aussi dans son coeur voyant ses parents dans l’espérance d’un mieux toujours remis au lendemain pour sa santé, voire déjà pour l’apparition de la parole et son maintient debout en autonomie.
Dieu aidant, comme vous l’avez lu, son décès fut prophétisé à Lourdes en même temps que l’annonce de ma naissance. Je pense que, sans cette prophétie sur ma naissance, la souffrance aurait été insupportable pour mes pauvres parents qui allaient perdre leur deuxième fille à l’âge où l’on prend toute sa place dans une vie familiale.
J’ai dû attendre quand même plusieurs moi pour leur donner la joie escomptée. Ma mère portait encore le deuil d’Anne Marie lors de ma naissance qui a, d’ailleurs, failli se dérouler sur la banquette d’un taxi parisien lorsque ma mère partait me donner la vie à Neuilly sur Seine. Lorsque mes grand parents et mes parents me portaient dans leurs bras, ils devaient porter en même temps la tristesse de ne plus pouvoir y porter ma défunte petite sœur, enterrée près dans le cimetière de Mussy sur Seine où habitaient, les six mois chauds de l’année, mes grands-parents maternels.
Je pense que c’est à cause de tout cela que mes parents vécurent longuement chez eux dans leur appartement des semestres froids dans le 18ème arrondissement à Paris, rue Stephenson, non loin de la butte Montmartre.
De ma petite sœur, je n’ai connu que les photos de mon papa et les cailloux blancs sur la tombe immaculée sur laquelle figure son nom sous une croix de pierre.
Comme vous l’imaginez, mes parents m’ont chouchouté, relayés, ici et là, par mes grands-parents et par Paulette la sœur de ma maman. Ces gâteries se doublaient, hélas, par la crainte qu’il m’arrive « quelque chose », surtout pour ma mère qui demeura marquée toute sa vie par la perte de ses deux filles. Des 4 années de vie avec eux chez mes grands-parents me restent aussi en souvenir les « 78 tours » et les « microsillons » qui tournaient souvent sur le phonographe de mon grand-père Georges et mon père qui chantait pour ma mère d’anciennes chansons d’amour comme « J’aime tes grands yeux, car ils ont une âme ». Quand tata Paupau (diminutif de Paulette) était des nôtres, c’est toute la famille qui chantait avec elle tout le répertoire de Jean Sablon, Maurice Chevalier et Tino Rossi.
M a maman était secrétaire sténo-dactylo avant de devenir…maman. Elle a toujours aimé et gardé le goût d’écrire, passion qui daterait de sa prime jeunesse. Elle remplissait des cahiers et de carnets de poésies et de citations édifiantes, voire de chansons entières. A son travail, des naissances etc. Depuis toujours, elle écrivait même ce qu’elle disait à l’aide de son petit doigt droit caché derrière son dos. Très rarement, elle s’arrêtait de parler quand elle n’était pas certaine de l’orthographe d’un mot. Le plus étonnant est qu’elle parvenait, en même temps, à parler plus vite qu’un moulin à café.
Ma maman aimait m’emmener avec elle en commission, dans les commerces du quartier et au marché sis sur les rues avoisinantes. Ce dernier était même devenu mon terrain de jeu comme je vous en ai déjà parlé avec l’épisode des tomates volantes. En dehors de ces « courses essentielles », ma maman avait à coeur à que je prenne l’air tous les jours et m’harnachait de casquette ou de bonnet selon la saison. La destination était quasiment invariable : les jardins du Sacré Coeur au somment de la butte Montmartre. Parfois j’étais impatient de changer de décor pour retrouver les grands espaces de Mussy sur Seine où ma maman était fière de me présenter à la famille, aux amis et aux voisins. Moi, je crois que j’étais tout simplement fier de ma jolie maman.
Un récit vraiment très touchant, Jean-Marie ! La vie n’a pas été tendre au début pour tes chers parents, et heureusement ton arrivée mit un baume incomparable sur leur coeur meurtri. Avec émotion, On voit comme ils t’ont entouré de tendresse et d’attention! Et l’on s’émerveille devant cette si jolie maman aux grands talents d’écriture poétique !
????????Quelle honte cette obstétricien. On était moins averti hier qu’aujourd’hui. Ta maman a été bien courageuse! Même si de toute façon il n’y a pas le choix, Il faut aller de l’avant.
Je compatis d’autant que mon fils Alexis et sa femme Mélanie ont perdu leur première petite fille à la naissance à cause d’une mauvaise manipulation avec les forceps. Fissuration de la trachée qui s’est ouverte à la première tétée.
Même si l’erreur est humaine c’est difficile à s’en remettre surtout pour la maman.