Mémoires, pages 17 à 18 / 311, par Dominique Capo

En tout cas, autant j’étais triste, malheureux, blessé lorsque je me rendais au collège, autant mes relations avec mon père et ma mère étaient compliquées, chaotiques parfois du fait de la détérioration progressive des relations de l’un avec l’autre, autant j’étais heureux dans ma chambre. Je m’y sentais à l’abri des vicissitudes de l’extérieur, de la méchanceté et de la bêtise que je côtoyais tous les jours en classe. Je n’y étais pas confronté à la tension qui commençait à monter dans mon environnement familial. C’était le seul endroit où je pouvais être tranquille, serein.

Il faut souligner que mes grands-parents maternel y ont été pour beaucoup. En effet, ils nous ont submergé ma sœur, et mon cadet, et moi, de cadeaux. Nos anniversaires et les Noëls ont été l’occasion de nous offrir nombre d’outils destinés à nos loisirs. Mon père n’appréciait d’ailleurs pas vraiment que nous soyons gâtés à ce point. Non seulement parce qu’à son avis c’était trop. Mais aussi parce que, de cette manière, mes grands-parents estimaient avoir un droit de regard sur notre éducation ou le fonctionnement du couple que composait mon père et ma mère.

Quand j’étais bébé, il semble que mon père a essayé de mettre les choses au point avec eux. Mais ma mère, qui a toujours courbé l’échine devant ses parents, ne l’a jamais soutenu. Je suppose que mon père a dû se croire humilié dans son orgueil de ne pas avoir le dernier mot face à eux. Lui qui s’estimait supérieur aux autres de par sa propre éducation, il a dû s’en sentir profondément blessé. C’est d’ailleurs pour cela je suppose qu’il ne nous accompagnait que très rarement dans la propriété familiale que mes grands-parents maternels possédaient. Il s’y sentait certainement de trop, pas à sa place du fait de de l’influence dominante de mes grands-parents à notre égard.

En contrepartie par contre, ma mère exigeait que nous nous soumettions à leurs prétentions, quelles qu’elles soient. Celles-ci étaient parfois pénibles, comme lorsque nous devions rester des après-midi entiers à table lors de repas familiaux interminables. Ou lorsque nous devions suivre leurs horaires qui nous obligeaient à nous coucher, et à éteindre, trop tôt à notre goût. Moi qui aimait lire ou regarder la télévision lorsque j’étais en vacances, je ne comprenais pas pourquoi mes grands-parents insistaient pour que nous nous endormions à vingt-deux heures. J’en étais très malheureux, et il m’arrivait parfois de rallumer en cachette pour pouvoir lire une demi-heure ou une heure de plus.

Ma mère m’a donc éduqué, ainsi que ma sœur et mon puîné, dans le but de me soumettre à mes aînés. Elle m’a toujours dit : « Pépé et mémé vous vous achètent tout ce que vous souhaitez. Ils me donnent de l’argent afin de subvenir à nos besoins. Donc, il est normal que vous respectiez leurs volontés et que vous leur soyez reconnaissants. ». Il est vrai, comme je l’ai déjà évoqué plus haut, que ma mère n’obtenait qu’une certaine somme d’argent de mon père pour le quotidien, qu’elle n’avait pas accès aux comptes bancaires du couple. Elle n’était pas informé d’à quoi servait le reste du salaire que mon père recevait. Et mes grands-parents lui ont longtemps donné un complément sans que mon père en soit informé. Lorsque mon père l’a appris, il en a été fort mécontent. Mais il n’a pas refusé cette manne bienvenue.

En tout état de cause, pour ma part, j’étais trop jeune pour avoir conscience de cette guerre psychologique constante entre mon père et mes grands-parents maternels, ou sur les raisons de la soumission systématique de ma mère face à ses propres parents. Le fait que ces derniers m’offrent des Playmobils ou des Legos me satisfaisait. Je ne ratais d’ailleurs pas une occasion pour en demander toujours davantage, je l’avoue. Quitte à en abuser parfois.

A suivre…

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