« C’est la voix la plus émouvante du monde : elle s’appelle Édith Piaf. »
Alaa al Aswani, L’Immeuble Yacoubian
Voici pour commencer une galerie d’images celle de la Môme Piaf, que je considère comme la plus grande chanteuse populaire française du XXe siècle.
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Fille d’Anneta Maillard, dite Line Marsa – chanteuse de bastringue, qui l’abandonna, ne vécut que pour ses amants, et que l’alcool associé à la drogue coucha dans le ruisseau – et de Louis Gassion, contorsionniste forain, Édith Giovanna Gassion naquit, le 19 décembre 1915. Elle fut élevée, d’abord, par ses grands-parents maternels, deux poivrots chez lesquels elle serait morte si son père, en 1917, ne l’avait sortie de cet enfer lors d’une permission. Il la confia à sa mère, Léontine Gassion qui devint, quelque temps plus tard, propriétaire d’une Maison de tolérance : le 7, Côte Saint-Michel à Bernay. Là, Édith est choyée par les filles, mais elle perd puis retrouve la vue. L’opinion s’insurge : puisqu’elle voit, cette petite fille ne peut plus demeurer dans un tel établissement ! Gassion reprend sa fille, il l’emmène dans un cirque d’abord, dans les rues ensuite. Guère douée pour les acrobaties, elle tend la sébile et elle chante pour attendrir les badauds. Jusqu’à ce que, vers l’âge de quinze ans, elle rencontre Simone Berteaut : Momone, plus jeune qu’elle de deux ans. Que celle-ci soit ou non sa demi-sœur n’a guère d’importance. C’est tout comme. Elle témoignera.
Ensemble, elles se lancent à la conquête des rues de Paname, Édith chante et Momone fait la quête. On connaît la suite. Les hôtels crasseux. Le Milieu. Les bals-musettes où Édith accompagne les orchestres au porte-voix. Le Juan-les-Pins, rue Pigalle, qui deviendra La Roulotte. La mort de Marcelle, sa fille, âgée de deux ans, en 1935. La rencontre de Léplée. Le Gerny’s, 54 rue Pierre-Charron, dans les beaux quartiers, où elle devient la « Môme Piaf » et où elle fait entrer le vent cruel de la rue de 1936 bouleversant l’assistance :
« C’est nous les mômes, les mômes de la cloche
Clochardes qui s’en vont sans un rond en poche
C’est nous les paumées, les purées de paumées
Qui sommes aimées un soir n’importe où. »
L’assassinat de Léplée, le 6 avril 1936. Le scandale. Le retour en arrière : cinémas de province et guinches sordides à Paris. Heureusement pour Piaf, à la fin du printemps de 1937, elle accepte de faire appel à Raymond Asso ; un coriace, qui la prend en main, lui présente Marguerite Monnot, lui écrit des chansons dont le fameux « Mon légionnaire » qu’elle refuse, que crée Marie Dubas, mais qu’elle reprend… En novembre 1937, elle passe à l’A.B.C. en « vedette américaine ». C’est gagné. « Une grande chanteuse nous est née : elle se nomme Édith Piaf », proclame un critique musical important. La suite, tout le monde la connaît. Mais on pourrait croire qu’à la différence de Fréhel, Piaf trouva la magie de son art en s’éloignant de la rue dont elle avait chanté toutes les complaintes. Ce n’est qu’à moitié vrai dans le domaine de la chanson surtout : son public le plus fidèle lui vint de la rue qu’elle chantera, de toute façon, jusqu’à la fin. Souvenons-nous de quelques titres : « Elle fréquentait la rue Pigalle », « L’accordéoniste », « De l’autre côté de la rue », « Y a pas de printemps le long de ma rue », « Dans ma rue », « Le Noël de la rue », « Bal dans ma rue », « Marie la Française » :
« Au fond du vieux Sidney
Sous le pont du chemin de fer
On vient de faire son affaire
À Marie la Française »,
« C’est à Hambourg », « Milord », un de ses derniers succès écrit par Georges Moustaki :
« Je vous connais, Milord
Vous ne m’avez jamais vue
Je ne suis qu’une fille du port
Une ombre de la rue. »
Plus lucide qu’on ne le croit, elle avait gardé des amis fidèles, désintéressés, loin du monde du spectacle, qui la conseillaient, qui l’aidèrent après le 28 octobre 1949. Mais elle avait, dans son entourage, tellement de parasites, de fileurs de gagnant qu’elle finit par plonger, abattue par les accidents, par l’alcool et la morphine, malgré quelques rencontres bénéfiques et l’arrivée, tardive, de Théo Sarapo, au creux de son immense rêve d’amour pour y relayer Marcel Cerdan. (N’eussent été la puissance de son art et sa notoriété, elle aurait reproduit la destinée de sa mère.)
À partir de cette date, 1962, tout ira très vite. Elle continue à chanter d’une voix un peu éraillée, affaiblie. Le 25 septembre, elle donne son dernier gala du haut de la tour Eiffel devant un parterre de célébrités mondiales, son ombre projetée sur un immense écran. À l’Olympia, on la soutient avec de la cortisone et de la morphine. Elle se marie le 9 octobre avec Théo Sarapo. Le 18 mars 1963, elle chante pour la dernière fois. La maladie s’empare de son corps usé : un œdème du poumon, puis des comas hépatiques. Ce n’est plus qu’une épave sur un fauteuil roulant que, seules, soutiennent sa foi et la présence de Théo, et que la mort viendra prendre le 10 octobre 1963. Le 14 octobre, une immense foule en pleurs suit son cercueil du boulevard Lannes jusqu’au Père-Lachaise où elle repose, dans un caveau, au côté de Marcelle, de son père, et de Théo Sarapo tué dans un accident de voiture en 1970.
En 1947, son ami Jean Cocteau lui avait consacré une belle chronique dans son Foyer des artistes. « Elle est inimitable. (…) Elle est une étoile, écrit-il, qui se dévore dans la solitude nocturne du ciel de France. Elle se dépasse (…). Elle nous dépasse. »
merci de ce rappel de la vie de Piaf
elle est toujours dans non coeurs !
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Merci de ce rappel de ce que fut la vie de celle qu’à fort juste titre, vous nommez la plus grande
J’aurais aimé que ce texte, même s’il heurte, soit mieux disposé : image plus petite et centrée comme l’astérisque et les strophes citées, que le titre ne soit pas répété et la citation en petits caractères. Evidemment, si je pouvais corriger moi-même, je n’encombrerais pas.