L’idiot du village – Christian Satgé

Petite fable affable

Un métayer de mon village,
Bon homme, sans fard et sans âge,
Passait pour un sottard – grand dol ! –
Car d’aucuns, las, le cuidaient fol
Pour ce qu’il était sourire
Souvent, et parfois même rire
Alors qu’il était de bon ton
D’affecter l’air d’être un maton,
Partout, en toute circonstance,
Car la joie, vice, ici on tance,
Et, pas à moitié ni au quart.
On le tenait fort à l’écart
Comme un pesteux. Sotte attitude
Des moutonnières multitudes,
Pieux troupeaux processionnant
Autant de fois qu’il lui faut l’an
Pour se prémunir, tout ensemble,
Des fléaux ou de ce qu’il semble.
Résonnant prou, raisonnant peu
Chacun fait ainsi ce qu’il peut.

Non content de sa marginale
Situation, par martingale,
On s’en tenait tout aussi loin
Comme s’il gâtait le foin
Menait le bétail à révolte
Ou, pis, pourrissait les récoltes.
Essaim bruissant et bourdonnant,
Le bourg était fort peu donnant,
A sa vue faisant grand tumulte
Mais croyant ses absences occultes.

Le prêcheur et tous les siens,
Braves gens, bons paroissiens,
En appellent à un sage et docte
– Bègue et bigleux pour l’anecdote ! –
Qui déclara le paria
« Lunaire » et d’Ave Maria
En Pater Noster en fit, crotte !,
Du lieu divine mascotte.
Et voilà notre écarté
Recherché. Mieux : Souhaité.
Ce, avec non moins de sourires
Et, ma foi, tout autant de rires.

Si un âne avec un bonnet
De docteur reste un âne, il n’est
De foule qui change plus vite
D’avis que celle qu’on invite
À célébrer la sainteté
D’un être qu’elle a condamné
Naguère. Ainsi va notre monde
Et vont ceux assurant sa ronde !

*

© Christian Satgé – juin 2018

 

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Invité
22 juin 2018 2 h 59 min

Merci Christian très belle méditation en fable profonde
Douce nuit
Mes amitiés
Fattoum.