Les joies du portable… Insuportable – David Frenkel

Oui, halo ! Je suis dans le bus
Dit-elle avec un accent russe ;
Sa voix un peu enrouée mais enjouée
Détendait grandement les personnes nouées.
Une mélodie extraite de « Carmen »
Fit tressaillir et bondir un énergumène
Qui se jeta sur son portable dernier cri
En dévisageant les autres avec mépris.
Un air célèbre d’une chanson à la mode
S’éleva du dessous d’une manche pagode,
Un petit mobile s’en extrayait
Le quidam qui parla avait l’air niais.
Une sonnerie vibrante
Secoua l’humeur somnolente
Des personnes mal réveillées
Qui n’arrêtaient point de bailler.

Des extraits de conversations,
Des bribes de lamentations
Tombaient dans le creux de mes oreilles
Et meublaient mon trajet à merveille ;
Des déboires amoureux,
Des événements heureux
Rendent compte d’une actualité
Prenant racine dans l’intimité
De ces inconnus qui deviennent volubiles
Quand ils ont sur eux un téléphone mobile.

Un voyageur retenant son interlocuteur
Mit fin à son discours par un « À tout à l’heure » ;
Un vieux, épanchant longuement ses avatars
Cria dans son portable : « Eh bien, à plus tard ! » ;
Un soupirant pleurant son amante en fuite
Lâcha pour terminer : « Alors, à tout de suite ».
Je trouvais tout cela comique
Ils rendaient mon voyage épique.

Le mobile est un puissant aimant
Attirant les gens à tout moment
Dans les méandres du bavardage
Dans lesquels les besoins se partagent
Il peut aussi transformer en billevesée
Une attitude diablement empesée.
Le portable est une douce drogue
Et du pain béni pour les psychologues.

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David Frenkel

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Je me suis un jour juré de faire cohabiter sur une feuille blanche le verbe et son sujet. Le sujet se rebiffe souvent lorsque le verbe brasse du vent. Vers l’âge de cinquante-six ans, ma plume trépigna d’impatience, elle désirait voir si les deux, après entente et plus, enfanteraient en direct et en toutes circonstances un complément. Je la pris par la main et la promenai le long de mes pages, et en rebroussant souvent chemin. Le front en sueur, elle aperçut après des heures de marche le nouveau-né, la prose d’un écrivain que la vie avait malmené.

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