Les gueux – Christian Satgé

Petite fable affable

 

La pluie tombant toujours sur ceux qui sont mouillés,
Des loqueteux aux souliers fort fatigués
Et aux frusques trop rapetassées, brandouillaient
Appelant la moquerie des hommes du guet,
Aux livrées plus chamarrées que des papegais
Et à l’esprit moins affûté que leurs sagaies !

 

Or cette Cour des Miracles ne pipait mot
Aux mesquins envois et aux traits aux piqueux
Qui auraient chu dans la même purée si maux
Envoyés par Dieu étaient tombés sur leur queue
À eux. Lors pourquoi en vouloir à ces belliqueux
Qui traînent leurs guêtres dans tout ce bran visqueux ?

 

Surtout qu’ils ont fourbi leurs armes ces gredins,
Représentent partout la loi de la cité,
Et garantissent sa paix, le gourdin badin.
Alors pourquoi chercher noise à ces excités
Et pour quelque affront moins pensé que « récité » ?
« La raison du plus fort… » aimait-on à citer !

 

Or un beau soir, cette cohorte de nervis
Escorta un évêque qui nuitamment rentrait
En ses pénates et qui aux gueux, aussi, servit,
Près que sa garde eut amorcé sa bordée de traits,
Lazzis, brocard, railleries, quolibets outrés
Avec le dédain propre aux puissants mitrés.

 

Las, les claque-faim cette-fois-là ont riposté
Et, défaisant les gens d’armes, ont pris le violet vêtu
Qu’ils voulaient écharper sans vraiment s’attrister :
« Pourquoi, mes fils… Vous vous êtes jusque là tus ?

 

Parce que que la volée de flèches, vois-tu,
Très saint homme, seule la dernière tue ! »

 

© Christian Satgé – février 2019

Illustration du livre troisième de « La vie des gueux » (XVIIe s.)

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Philippe X
Membre
4 mars 2019 2 h 04 min

J’ai partagé des coins de feu et dormi dans la fraîcheur des sous bois en compagnie de gueux, ces pellagreux m’ont offert en partage leur héritage de frasques et bastonnade que leur donnait droit à recevoir leur situation. j’ai partagé des fossés en guise de suite royale, réveillé” aux matines sonantes par le service d”étage appelé la pluie .:
j’ai garde en moi un souvenir impérissable
merci de vos mots qui nous rappellent les trognes de ces roulottiers, ciganeurs et camps volants, “buissons” et victimes des nobliots locaux dont les pères avaient échappé au docteur Guillotin..le foin des granges étaient un meilleur abris que les périfs !

Invité
28 février 2019 13 h 36 min

Au fait la cour des miracles n’était pas si miraculeuse et ce monde bien dur au fait qu’est-ce qui a changé
Je t’embrasse amitiés
Béa