Les deux hêtres furent d’abord des glands
Et fiers de l’être
Deux êtres qui se reposèrent longtemps
Avant de naître
Le premier étai un hêtre fort
Avec des branches
Qui se déployaient tout autour de son corps
De la cime jusqu’au hanches
Le second était un hêtre faible
Avare de soleil
Qui alignait péniblement quelques feuilles blêmes
Sur son modeste appareil
Le premier dans toute sa majesté
Se dressait
C’était une longue colonne grise argentée
Lisse à enlacer
Hélas quand l’écorce est trop lisse
Pour se gratter
les ours attirés par les fruits se hissent
Et le tronc est griffé
C’est le prix de la richesse
Narguait le cadet
Jaloux des amoureux qui appuyaient leurs fesses
Contre son aîné
Peu à peu la balance du destin
Allait se rétablir
Et les complexes du gressin
S’affaiblir
Un hêtre est comme une patte d’éléphant
Sans racines profondes
Sur la terre son pied se pose délicatement
Malheur si la tempête gronde
Hêtre fort à cause de la prise au vent
Devenait faible
Alors le petit en jouant le rassurant
Était espiègle
Au retour des feuilles à la saison des chatons
Le petit avait les plus beaux
Car pour être admirés par les piétons
Ils étaient moins hauts
Les deux hêtres frères et sœurs
Car hermaphrodites
Philosophaient toutes les demi-heures
Avec des redites
A vivre sur nos branches ils aspirent
Avec nos fruits ils mastiquent
Avec nos feuilles ils respirent
Avec notre bois ils fabriquent
Heureusement que les hêtres vivent
Pour les vivants
Mais si avec leurs scies les hommes arrivent
Malheur aux vivants
Morts de rire les êtres sans h
Sont vivants
Morts de rire les hêtres sans haches
Vivent longtemps
Si les hommes devaient m’immoler je choisirais
La fumaison
Loin de la gloriole mais expert je fumerais
Les andouilles et les jambons
Si les hommes devaient m’immoler je choisirais
Le feu de joie
Au centre des humaines réjouissances je serais
Au moins pour une fois
Quand les hommes les ont coupés
Ce fut une tragédie
Deux hêtres dépités avant d’être débités
Dernier adieu dans la scierie
Souvenez-vous des six saules abattus dans la brume
Un jour d’hiver
Oh que les six troncs à grumes
Étaient amers
Sur les bords du canal un pavillon
Près d’’une écluse
Sur le fil les chemises et les pantalons
Avec le vent s’amusent
Le joli pont qui traverse le canal
Est en bois de hêtre
Comme ces pinces d’un modèle ancestral
Qui mordent le linge au mètre
Hêtre du pont et Hêtre des pinces
Se sont retrouvés
Près d’une famille d’éclusiers au portefeuille mince
Mais au bonheur avisé
L’un raconte la vie grouillante
De la maisonnée
L’autre les histoires croustillantes
Des bateaux et des vacanciers
Même en hiver quand la plaisance s’arrête
Nos amis ne s’ennuient jamais
Car sur cette rive ils trouvent toujours des arbres et des bêtes
Qui les font rigoler
Charly, texte déposé.