Le malin et le milan – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Au cours d’une échappée champêtre,
Au-delà des buissons ébouriffés,
Un gros âne en proie au mal être
Baguenaude à l’ombre des hêtres,
Malgré les ronces promptes à griffer :
La liberté est ainsi tarifée.

 

Il songe à sa vie : « Pauvre Pomme
Que je suis !… Baudet chargé comme un bidet,
Servant matin et soir un homme
Qui, las, me traite il faut voir comme !
Croit-il que je n’ai ni cœur ni idée ?!
Si je suis sa bête de somme,
C’est surtout somme de mes qualités.
C’est là, comme l’on dit à Rome,
Mon moindre défaut : bonhomme,
Facile à nourrir, docile à liter ! »

 

Un milan l’entend et se perche
Auprès du naïf et fait au pleureur :
« Qu’est-ce donc, l’ami, que tu cherches ?

 

Du respect… pas genre faux-derche !
Celui que te vouent tous les laboureurs
Pour qui je suis idiot ou erreur.

 

Foin de tout cela : ils me craignent !

 

C’est égal !… Milan, tu n’es le niais
De personne ici, et on daigne
T’offrir un lieu où tu règnes.
Oserais-tu, roi des airs, le nier ?!

 

On m’offre balles et toi châtaignes !…
Le bâton vaut mieux que le fusil !
Je suis à leurs yeux une teigne
Qu’il faut tuer à bonne enseigne,
Gros malin. Je préfère les lazzis !
Allez rentre vite à l’étable :
S’il faut regarder au-dessus de soi
Pour mieux, oreillard instable,
Se remettre à l’incontestable
Place sienne, le ciel n’est soie
Qu’à qui sait rester sur son quant-à-soi ! »

 

© Christian Satgé – septembre 2016

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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