Le hérisson amoureux – Christian Satgé

Petite fable affable

Un hérisson suant beaucoup mais gagnant peu,
Pensait avoir l’âge de se trouver épouse,
Domicile fixe,… des mots lourds et pompeux
Quand on est jeune et beau et que l’on a du flouse.
Jusque là, point d’amie au-delà de la nuit :
« À quoi bon acheter, disait-il, une vache
Quand il n’y a, pour moi, qu’à passer, à minuit,
Sous la barrière pour avoir du lait, Babache ?! »
Il était bombance, joie, jeux, frivolité
Et mille fredaines mais la réalité
Frappe au coin du miroir : le temps passe et file.
Il faut changer de vie. Devenir ce qu’on fuit.
Oui. Ainsi vont la vie et les jours qui défilent
Pour l’être nocturne jouant l’oiseau de nuit !

Donc, parmi les belles qui, jà, se pelotonnent
Contre son paletot, il choisit de bon cœur
La plus belle consœur parmi les plus atones
De caractère. Pas fou. Il craignait rancœur
Reproches et grands mots si, un jour, d’aventure…
Il n’était pas de bois ! Il en avait tant vu,
De celles qui se hérissonnent, la dent dure,
Qu’on ne le prendrait pas, c’est sûr, au dépourvu.
Il se fiance un jour. Il est bien plus rapide
Pour les épousailles. Finies les intrépides
Soirées, les beuveries de sa folle jeunesse
Avec pour tout butin, l’ombre d’une catin
Que l’on caresse un peu, que l’on aime en vitesse
Sans plus de finesse ni, Dieu, de baratin.

L’Aimée tout en jupons, l’air fripon, était belle.
Il l’aima durant des nuits qui ne dormaient pas
Mais faisaient la grasse matinée, tard, rebelles,
Et des jours paresseux faisant – mea culpa ? –
La petite sieste que l’on dit crapuleuse.
Le hérisson fut père en un hâtif tournemain.
Sa belle s’occupa de sa si populeuse
Marmaille, caressant son doux chéri de mots.
Ça laissait peu de temps à soi tous ces marmots !
Puis le quotidien – routine et habitudes –
Érodèrent l’ardeur ; le train-train, et pas plus,
Vient à tout attendrir, plus que la lassitude :
Si elle l’aimait bien, elle ne l’aimait plus !

© Christian Satgé – juin 2013

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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12 Commentaires
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Invité
9 octobre 2018 15 h 12 min

Bonjour sublime fable douce après midi amicalement

Anne Cailloux
Membre
6 octobre 2018 22 h 05 min

Merci Christian
Une histoire qui pique, Belle fable et toujours une belle moralité.
comme cela arrive souvent , lassitude..
Que nenni mince !
Anne

Invité
6 octobre 2018 21 h 02 min

Merci Christian très belle Fable comme toujours
Douce soirée
Mes amitiés
Fattoum.

Invité
6 octobre 2018 19 h 28 min

sacrée fable d’autant personnifiée hérisson … ah le train-train loin du temps
merci
ps; vos images doivent se situer entre 200px et 550px (évitez 171px, elle n’apparaitra pas)

Invité
6 octobre 2018 11 h 58 min

Ah! histoire piquante ! Ceci dit, on comprend mieux “l’esprit” des célibataires… pas de place au train-train…

Laurence de Koninck
Membre
6 octobre 2018 10 h 37 min

J’ai un petit faible pour les hérissons. Quel vie de patachon a le vôtre! Mais sa vie rangée ensuite ne lui a pas porté chance. C’est narré toujours avec humour et mots recherchés. On se laisse emporter et c’est bien agréable. Merci pour ce morceau bien choisi Christian. Beau week-end à vous.