Le cercle vicieux
Une mante dînant de son chétif amant,
conservant toujours son air atrabilaire,
ripaillait goulûment sans remord infamant .
en dodelinant sa tête triangulaire.
Lors celle-ci, nymphomane et gourmande,
guettait, avec émoi, la capitulation
d’un autre mâle qui, faisant sa demande,
Servirait de dessert à la copulation.
A côté et d’un mouvement pendulaire,
une araignée créait sous les étoiles,
son fil, de son organe glandulaire,
tissant, patiemment, les mailles de sa toile.
Satisfaite de son ouvrage intime,
en espérant le gain de sa ténacité,
elle attendit sa future victime
prochaine martyre de sa férocité.
Dans la rosée, elle vit la mante à l’eau
qui, rassasiée faisait une toilette,
puis, au sortir du bain, contourner le bouleau
pour, fatalement, tomber dans la voilette.
Un pauvre cafard, doté du même état,
fut également la victime du filet
et sa vie misérable finit en rata
dévoré âprement et dans un prompt délai.
Quand l’araignée, repue, digéra son repas,
ayant reconstruit son piège diabolique,
avec ses huit pattes, elle refit les cent pas.
Pour la morale, elle eut une colique !
Une grenouille vit, de ses yeux mobiles,
les phases du festin sans éprouver d’humeur.
elle hoquetait, faisant des bonds débiles,
comme fit son père un vieux crapaud fumeur.
Or entre deux hoquets, elle goba l’araignée
Puis reprit le cours de sa vie bondissante
lorsque, sournoisement, sortit d’une saignée
vint un serpent à l’allure repoussante.
Nu comme un ver et rampant, silencieux,
sa langue ressemblant au pic des quenouilles
il se mit à guetter, bâton fallacieux,
jusqu’à ce qu’il attaque la pauvre grenouille.
Il fallut un moment pour bien la digérer,
l’excroissance allant sa lente progression,
quand, volant dans l’espace, il fut repéré
par un très grand rapace qui risqua l’agression.
C’était un aigle de fort belle allure
qui tua le serpent et le mangea tout cru
puis, de ses ailes à la grande voilure,
retrouva son aire aux branchages écrus.
Mais un chasseur veillait depuis le petit jour
avide de trophées, d’animaux empaillés,
et cet aigle royal, trônant dans son séjour,
ferait l’étonnement d’amis émerveillés.
Alors, viril, l’œil injecté de sang,
d’un bref tremblement, à peine perceptible,
il pointa la mire sur l’oiseau innocent
et, tireur excellent, il perfora sa cible.
Mais le cœur faible face à l’excitation
et mangeur, à l’excès, de gras abus divers
l’infarctus redouté le frappa dans l’action
et son corps, sur le sol, reposa tout l’hiver.
Lentement dévoré par la putréfaction,
ne restant plus qu’une dépouille spongieuse,
il attira des mouches qui, sans hésitation,
furent le mets d’une mante religieuse.
Ainsi va la vie dans ce cycle éternel
donnant, aux tragédies, quelques airs comiques
mais, ne nous leurrons pas ! un bouton criminel
ôtera, d’un coup, toutes les polémiques.
01 11 1991
Sourire…. J’adore cet écrit avec nos amis les animaux.
Un cercle ou chacun et mangé par un autre, bel histoire en fin de compte.
Il y a quelque par France une ville où le maire va faire un cimetière écolos, en pleine nature en foret. Nos cendres seront dispersés au pied d’un arbre.
Je trouve cela extraordinaire.. cela rejoint votre récit Philippe.
Fabuleux mon ami ! Un régale à lire, sourire aux coins des lèvres. Quelle “mouche” t’avait piqué pour écrire de si beaux “vers”?
Elle devait trotter dans ta tête “l’araignée” ce jour là !
Un texte pas piquet des hannetons…