LA PROMENADE
– Bonjour Mme FERRAN, dit David à la dame entre deux âges assise sur le banc du petit jardin de son quartier.
Vous vous souvenez de moi ? David ! J’allai en classe avec Max, continua-t-il en montrant un adolescent de son âge assis sur une chaise roulante, le torse maintenu par deux sangles, les bras liés sur les accoudoirs, le regard vide de toute expression.
– Comment va-t-il ?
La femme esquissa un sourire et fit un geste avec la main que l’on pouvait apprécier à sa guise.
– Alors Max, ça roule !
Oh pardon ! Je ne l’ai pas fait exprès, quel con ! Je suis vraiment impardonnable, je vous prie de m’excuser Mme FERRAN, il ne savait plus comment faire pour réparer sa gaffe.
– Dites- moi, il comprend ce qu’on lui dit ?
– Oh oui malheureusement déclara Mme FERRAN, il ne peut plus parler ni même faire des gestes, je suis la seule à le comprendre, du moins je le crois, peut être parce que je suis sa mère.
– Vous permettez que je lui fasse faire le tour du parc, je lui parlerai un peu du lycée, ça lui fera passer le temps, même s’il ne peut me répondre.
– Vous êtes bien gentil mon petit, j’en profiterai pour aller à la pharmacie, à tout à l’heure.
David empoigna le fauteuil de l’invalide et le poussa devant lui.
– Alors Max ! Quel drôle d’effet de te voir dans ce fauteuil, toi qui étais si dynamique ! La vie est vraiment mal faite ! Je me souviens encore de toutes les blagues que tu m’as faites, et lorsque je les raconte aux nouveaux, ils se tordent de rire, tu étais vraiment un drôle d’oiseau.
– Tu te souviens lorsque tu avais crevé les pneus de mon vélo, juste le jour où il tombait des cordes, j’étais trempé comme une soupe en rentrant à la maison, je ne te dis pas l’engueulade !!!
Et la fois où tu as découpé mon blouson au cutter, enfin à l’époque je ne savais pas que c’était toi, un blouson tout neuf que ma mère m’avait acheté pour que je ne lui casse plus les pieds, là aussi, je ne te raconte pas le retour à la maison. J’ai eu beau dire que c’était quelqu’un qui m’avait fait une blague, je me suis pris une de ces roustes de mon père ! je ne te dis pas….
Et lorsque tu as fauché mes affaires pendant que j’étais sous la douche, il a fallu que je traverse toute la cour à poil pour aller les récupérer, ah dis donc tu n’étais jamais à cours d’idée !
Quand je te vois sur ce fauteuil vraiment ça me fait quelque chose…
Tu te souviens de Marlène ? Tu sais la petite brune mignonnette avec qui j’étais sorti. Pour être franc, avec qui je voulais sortir, mais qui finalement a préféré sortir avec toi, après que tu m’ai copieusement rossé à la sortie des classes je ne sais plus pour quelle raison, tu sais qu’elle a eu son bac ?
Oh pardon ! C’est vrai que tu ne peux pas me répondre.
Enfin ! Ce sont des choses qu’on n’oublie pas hein !!!
Moi pendant toute cette année scolaire, je me suis demandé quel genre de blague je pouvais te faire. Je ne savais pas trop. Je voulais éviter les représailles bien entendu. Il fallait donc que te ne saches pas que c’était moi.
Alors un soir, j’ai attendu que tu rentres chez toi, il était aux environs de vingt heures, la nuit venait de tomber, je me suis embusqué derrière le muret de ton allée, et lorsque tu es passé, je t’ai assené un coup de batte de base-ball, j’y suis allé de bon cœur tu peux me croire.
J’ai entendu un craquement et tu es tombé sans un cri, alors j’ai continué à te frapper de toutes mes forces. Tu ne savais pas que je savais me servir d’une batte, hein ? Et j’y allais hein !! Et un coup pour les pneus, et un coup pour le blouson, et un coup pour la douche et encore un pour Marlène, et un autre et encore un autre pour toutes les saloperies que tu m’avais faites.
J’ai eu la chance que personne n’arrive à ce moment-là ! Tu me diras cela n’a pas duré longtemps, enfin du moins à mon goût. Après je suis parti en te laissant dans l’allée. Le lendemain j’ai appris par les journaux qu’un jeune lycéen s’était fait agresser, et qu’il était entre la vie et la mort.
Je ne te dis pas, le coup que çà m’a fait ! Mais lorsque j’ai appris que tu allais t’en tirer, j’ai respiré, tu sais je voulais juste de donner une petite leçon.
Enfin tout ça c’est du passé, l’année prochaine je rentre en fac, je me suis inscris en médecine comme Marlène, qui sait j’aurais peut être une autre chance.
Ah voilà ta mère.
– Et voilà Mme FERRAN je vous ramène Max.
– Mais qu’est-ce que tu as mon petit, dit Mme FERRAN en regardant son fils, pourquoi pleures-tu ?
– Il pleure ? Allons bon ! dit David en faisant le tour du fauteuil, c’est peut être parce que je lui ai parlé du lycée et dit que je partais… Mais t’en fais pas Max, je reviendrai te voir pendant les vacances, je te dirais comment se passe les choses en fac, hein tu vois ce que je veux dire…
C’est un secret entre lui et moi, poursuivit David en se tournant vers Mme FERRAN. Bien je vous laisse au revoir Mme FERRAN, salut Max dit David en s’éloignant.
Sur son fauteuil Max pleurait tandis que sa mère lui caressait tendrement les cheveux.
J.P INNOCENZI (2013)
La vengeance est un plat qui se mange froid !
une histoire bien menée jusqu’à la terrible vérité de la fin
bravo !