Hier nous avons vu comment une pensée qui s’enferme sur elle-même peut devenir un intégrisme intolérant. Aujourd’hui intéressons nous à une pensée au niveau de son développement, comme on parle de la croissance d’un arbre.
Il faut d’abord se souvenir que les successeurs des grands penseurs les ont souvent enfermés dans l’idéologie qu’ils en ont tirée, comme si ces têtes pensantes n’avaient pas évolué au cours de leur vie. C’est le cas de tous les penseurs de Platon à Sartres. On leur a collé une étiquette et les a enfermés dans la boite portant cette étiquette. Force est de constater, par exemple, que le Marx de la maturité n’était plus le Marx du fameux manuscrit de 1848, ni même celui du Capital. On dit que ceux qui ignorent cette évolution sont des marxistes et ceux qui intègrent cette évolution doivent être appelés marxiens. Cette vision de la pensée comme un arbre est intéressante si on l’applique aux grands textes spirituels, principalement à ceux du bouddhisme et du christianisme. Ces deux pensées ont d’ailleurs un noyau commun inaltérable que l’on pourrait nommer la compassion ou la miséricorde.
Attardons-nous sur la pensée du christianisme. Le nom « chrétien » est cité pour la première fois à Antioche au milieu du premier siècle. Il désignait les personnes suivant les paroles de Jésus Christ (adjectif formé sur Christos) Avant que naisse tout dogme, le chrétien se reconnaissait à deux choses : il rompait le pain en mémoire du Christ le jour du Seigneur (le samedi puis le dimanche) et il priait selon ses paroles, ce
que l’on appelle aujourd’hui le Notre Père.
Les sources premières de cette pensée sont donc la Bible, qui en est la graine, spécialement le livre de la nouvelle alliance ou nouveau testament, et la vie de Jésus qui est la Parole de Dieu qui en constitue les racines vivantes. Il n’y avait plus à interpréter la parole de Dieu comme dans l’ancien testament puisque Jésus vivait au quotidien ce qu’il annonçait et proclamait. Par la suite, de ces racines est né le tronc que l’on a appelé l’Eglise chrétienne. Certains ont voulu y greffer des branches idéologiques non compatibles avec le tronc et les racines spirituelles, par exemples celles qui prétendaient que Jésus n’était pas un vrai homme, ou pas vraiment Dieu.
Les représentants de l’Eglise chrétienne se sont à chaque fois réunis et ont élagué ces mauvaises branches. C’est ce qu’on a appelé les conciles. Cet arbre qu’est la pensée chrétienne (plutôt que la doctrine) ont connu des greffons de branches déviantes plus insidieuses que les hérésies ariennes ou cathares. Je citerai par exemple le dolorisme, courant de pensée ayant contaminé la pensée chrétienne en faisant l’éloge de la mortification et de la douleur recherchée pour elle-même.
Inversement, comme tout organisme vivant révélant ce que contenait sa graine initiale, il y eu un enrichissement de cette pensée par ce qu’on nomme développement dogmatique. Une richesse pour la majorité, une invention pour les autres ne voulant voir que la graine, la Bible. Je vous laisse jardiner, pardon, méditer, sur cet arbre bimillénaire.