La mère… – Abdelkader Ferhi

 

                                                                                                                      Hommage aux enfants palestiniens ,
La mère enterrée vivante
Mon enfant, tu n’es pas orphelin. Ta mère existe bel et bien. Renseigne-toi auprès de tes aînés. J’existe, tu entends ma voix sans me voir et parfois tu me vois sans m’entendre. Pourtant, je suis vivante, omniprésente jusque dans ta respiration. J’ai hâte de te voir jouer et sourire sous l’Olivier d’antan.
Vas à ma recherche et tu me trouveras. Aujourd’hui, bientôt, demain, je ne sais pas quand mais tu me trouveras. Peut- être un peu vieillie d’angoisse, de soucis et d’inquiétude, mais pas morte. On m’a seulement enterrée vivante.
Le fossoyeur a creusé une tombe plus profonde que le puits de notre olivier pour me séparer de mes enfants, pour que personne n’entende ma voix. Puis il s’est frotté les mains de satisfaction. Pourtant, me voici encore vivante.
Mon enfant, dans ces nuits les plus tragiques, je te vois frapper de porte en porte, demandant, pain, protection et tendresse. Sans être mendiant de quoi que ce soit. Mais qui répondra à tes cris, à tes appels ? Qui s’occupera de toi, de ton éducation ? On te prendra pour un orphelin, toi qui n’es pas orphelin, pour un mendiant, toi qui n’es pas mendiant.
Mon enfant, il t’arrive souvent de jouer avec le sang et le feu sans les connaître. Aussi, ne connais-tu pas les aigles qui pondent des oeufs empoisonnés sur les maisons. Tu ne connais pas non plus les tortues d’acier qui vomissent le feu sur les bébés et leur maman. Tu ignores tout et tu prends souvent l’ennemi pour un frère et la marâtre pour une mère authentique. Tu ne distingues plus la vie de la mort. Tu joues avec la mort sans connaître la mort. Le langage de la mort est passé pour le langage des enfants. Mais quand tu grandiras un peu, tes frères aînés t’apprendront à te méfier de tous ces jouets qui tuent les petits enfants. Ils t’apprendront aussi comment modeler l’histoire, faire entendre ta voix et libérer ta mère. Mais aujourd’hui, tu es jeune pour connaître tout ça. Tu es innocent comme le sont beaucoup d’autres petits enfants.
Mon enfant, je m’inquiète au sujet de ton devenir et de celui de tes frères à venir. Mon enfant, tu n’es pas seul. Il existe sur terre d’autres enfants, jeunes comme toi, qu’on a séparés de leur maman. Le chemin à parcourir est plein d’embûches. Tenez-vous toujours par la main et mettez toujours vos voix à l’unisson pour faire entendre votre chanson, la chanson de la mère enterrée vivante et de la révolution…

Abdelkader FERHI

Texte extrait de “Soleil Totémique”, Edition Edilivre, 2016 ( Paris)

 

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Abdelkader Ferhi

Abdelkader Ferhi (16)

Abdelkader Ferhi est né le 30 janvier 1951 à Tipaza. Il a fait ses études primaires et moyennes dans sa ville natale, secondaires au lycée Ibnou-Rochd de Blida et supérieures à l’université d’Alger. Titulaire d’une licence en lettres françaises, il a enseigné de 1976 à 2011 au lycée Mohamed Rékaizi puis Taleb Abderrahmane de Hadjout. Il a été aussi chargé de l’encadrement des professeurs du moyen à l’Université de Formation Continue. Abdelkader Ferhi a commencé depuis 1972 à publier des poèmes dans des anthologies de prestige et à collaborer aux journaux nationaux et étrangers. Aujourd’hui retraité, il se consacre pleinement à l’écriture littéraire. L’auteur de « Soleil Totémique » est connu du public Algérien par ses poèmes publiés dans des anthologies, ses contributions à la culture et ses articles de presse.

1 réflexion au sujet de « La mère… – Abdelkader Ferhi »

  1. bravo, Abdelkader Ferhi, la poésie est multiple, en vers ou en prose, peu importe, ce qui compte c’est sa force. Comme d’habitude, tu abordes un sujet grave, celui de la vie et de la mort, de l’honneur, de l’amour et de la patience qui s’imbriquent au sort de la nation. Merci de me rappeler ce dessin que j’ai fait pour ton recueil de poèmes en 1982. Je suis heureux que mes dessins, qui figurent dans ton recueil, accompagnent des textes forts.

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