Il y avait, en ce temps-là, dans les villes et les villages des cirques itinérants et des fêtes foraines. Le cirque est un spectacle qui – avec ses clowns, ses acrobates, ses chevaux de parade, ses dompteurs et, parfois, selon la taille du cirque, des animaux exotiques qu’on plaint plus qu’on ne les admire – maintient l’équilibre entre la réalité et l’illusion. En revanche, la fête foraine c’est la vie offerte sous sa forme la plus joyeuse, la plus animée, le plus parfumée : odeur de nougat, de praline, de caramel, de sucre d’orge, de barbe à papa… Parfums acidulés des jeunes filles qui vont et viennent à la recherche d’un amoureux et s’en donnent à cœur joie.
La fête bat son plein musique et manège (…)
Du matin au soir, c’est un long cortège.
Chansons, balançoires, la fête continue
Il avait, avant les extravagants manèges à sensation des fêtes modernes, sur les terre-pleins, sur les places, des attractions plus paisibles : des manèges de chevaux de bois poudrés de guirlandes et d’ampoules de couleur où les enfants criaient de joie en essayant d’attraper la queue de Mickey promesse d’un tour gratuit, des auto-tamponneuses multicolores, des vertes chenilles foraines tourbillonnantes où se nichaient des couples attendris, des balançoires, des toboggans, des tirs, des loteries avec leurs gains mirifiques, poupées sémillantes, gros ours en peluche tendant leurs bras dodus, des labyrinthes de miroirs, des trains fantômes, des voyantes rusées, puis, en fin d’après-midi et le soir, des parquets-salons où se pressaient les danseurs émoustillés…
Danse, danse, viens plus près de moi
Sans défense, je subis ta loi…
Il y avait, région après région, la grande corporation des forains. J’ai travaillé avec eux dans ma jeunesse estudiantine, entre autres sur les marchés avec Jean S*** surnommé Jean les Belles Dents qui avait fait provision de surplus américains à Moulins et à Châteauroux (jeans, tee-shirts, ceintures, etc.) avec les lesquels il faisait fortune. Il m’embauchait comme commis deux jours par semaine (mardi et samedi) de 6 heures du matin jusqu’en début d’après-midi.: on bossait dur, mais c’était payant et on se marrait. C’était un chic type. J’ai travaillé aussi, deux étés, avec M. P***, un industriel forain, un malin qui arborait le surnom de “Boîte-à-Vices”, c’est tout dire. Pas une grosse paye, mais des pourboires et des soirées magiques car la famille m’avait pris en amitié.
Il y avait aussi des journées où j’achevais de m’affranchir en faisant le « piquot » (de piquer : épingler) avec une rude équipe de camelots dans diverses manifestations sportives ou festives tels les conseils de révision, etc. Cette activité lucrative, mais parfois dommageable, a disparu, je crois, depuis longtemps déjà.
Souvenirs, souvenirs (…) chantait alors Johnny Hallyday sur les tourne-disques des manèges, suivi par Les Platters modulant Only You» ou par Gloria Lasso qui avait repris Diana», un succès de Paul Anka…
Souvenir, d’un temps où je disais à maman “je vais chez mon amie faire mes devoirs, alors que nous allions gaiement à la fête foraine! bon dimanche à vous ! Colette
Ton chouette de texte me rappelle mon enfance. Je devais m’enfuir en cachette sur le champs du Lycée où se tenait ce cirque dont l’accès m’était interdit par mes parents.
Je n’y allais que pour le stand de tir à la carabine, et comme je visais plutôt bien, j’étais trahi à mon retour par les lots que je croyais bien cachés dans mes poches. Le pire souvenir fut l’apparition d’un squelette fluorescent quand ma mère entra dans ma chambre pour s’assurer que je dormais…en paix !