La fête foraine – André Nolat

La fête foraine – André Nolat

 

Il y avait, en ce temps-là, dans les villes et les villages des cirques itinérants et des fêtes foraines. Le cirque est un spectacle qui – avec ses clowns, ses acrobates, ses chevaux de parade, ses dompteurs et, parfois, selon la taille du cirque, des animaux exotiques qu’on plaint plus qu’on ne les admire – maintient l’équilibre entre la réalité et l’illusion. En revanche, la fête foraine c’est la vie offerte sous sa forme la plus joyeuse, la plus animée, le plus parfumée : odeur de nougat, de praline, de caramel, de sucre d’orge, de barbe à papa… Parfums acidulés des jeunes filles qui vont et viennent à la recherche d’un amoureux et s’en donnent à cœur joie.

La fête bat son plein musique et manège (…)

Du matin au soir, c’est un long cortège.

Chansons, balançoires, la fête continue

Il avait, avant les extravagants manèges à sensation des fêtes modernes, sur les terre-pleins, sur les places, des attractions plus paisibles : des manèges de chevaux de bois poudrés de guirlandes et d’ampoules de couleur où les enfants criaient de joie en essayant d’attraper la queue de Mickey promesse d’un tour gratuit, des auto-tamponneuses multicolores, des vertes chenilles foraines tourbillonnantes où se nichaient des couples attendris, des balançoires, des toboggans, des tirs, des loteries avec leurs gains mirifiques, poupées sémillantes, gros ours en peluche tendant leurs bras dodus, des labyrinthes de miroirs, des trains fantômes, des voyantes rusées, puis, en fin d’après-midi et le soir, des parquets-salons où se pressaient les danseurs émoustillés…

Danse, danse, viens plus près de moi

Sans défense, je subis ta loi…

Il y avait, région après région, la grande corporation des forains. J’ai travaillé avec eux dans ma jeunesse estudiantine, entre autres sur les marchés avec Jean S*** surnommé Jean les Belles Dents qui avait fait provision de surplus américains à Moulins et à Châteauroux (jeans, tee-shirts, ceintures, etc.) avec les lesquels il faisait fortune. Il  m’embauchait comme commis deux jours par semaine (mardi et samedi) de 6 heures du matin jusqu’en début d’après-midi.: on bossait dur, mais c’était payant et  on se marrait. C’était un chic type. J’ai travaillé aussi, deux étés, avec M. P***, un industriel forain, un malin qui arborait le surnom de  “Boîte-à-Vices”, c’est tout dire. Pas une grosse paye, mais des pourboires et des soirées magiques car la famille m’avait pris en amitié.

Il y avait aussi des journées où j’achevais de m’affranchir  en faisant le « piquot » (de piquer : épingler) avec une rude équipe de camelots dans diverses manifestations sportives ou festives tels les conseils de révision, etc. Cette activité lucrative, mais parfois dommageable, a disparu, je crois, depuis longtemps déjà.

Souvenirs, souvenirs (…) chantait alors Johnny Hallyday sur les tourne-disques des manèges, suivi par Les Platters modulant  Only You» ou  par  Gloria Lasso qui avait repris  Diana», un succès de Paul Anka…

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Guy André Talon

André Nolat (43)

J'ai publié, chez de petits éditeurs sérieux et en autoédition avec souscription, sous le pseudonyme d'André Nolat (que je tiens à conserver), des plaquettes, des nouvelles, des chroniques, des essais. Je ne m'en prévaux guère.
Par ailleurs, je vis seul depuis le décès de ma compagne, et j'aime lire, écrire, voir des films, des débats télévisés, etc.
Quant à ma vie passée, plus agitée, elle a fait l'objet de divers récits liés à des lieux où j'ai vécu - presque tous détruits ou métamorphosés... C'est pourquoi à partir d'un certain moment de son parcours, je crois qu'on peut dire, citant Céline, " qu'on est plus qu'un vieux réverbère à souvenirs au coin d'une rue où il ne passe déjà presque plus personne."

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4 Commentaires
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Colette Guinard
Membre
5 février 2023 12 h 38 min

Souvenir, d’un temps où je disais à maman “je vais chez mon amie faire mes devoirs, alors que nous allions gaiement à la fête foraine! bon dimanche à vous ! Colette

Jean-Marie Audrain
Modérateur
4 février 2023 19 h 02 min

Ton chouette de texte me rappelle mon enfance. Je devais m’enfuir en cachette sur le champs du Lycée où se tenait ce cirque dont l’accès m’était interdit par mes parents.
Je n’y allais que pour le stand de tir à la carabine, et comme je visais plutôt bien, j’étais trahi à mon retour par les lots que je croyais bien cachés dans mes poches. Le pire souvenir fut l’apparition d’un squelette fluorescent quand ma mère entra dans ma chambre pour s’assurer que je dormais…en paix !