La fin de la faim de l’ogre – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Ce soir, Monsieur l’Ogre a fait maigre
Car il n’avait pour son dîner
Que dix poulets sauce vinaigre,
Cinq cochons de lait boudinés ;
Trois croustillants pâtés en croûte,
Deux cassoulets, une choucroute,
Plus quelques gâteaux bien nappés,
Couverts de chocolat râpé.
Le gourmand lèche son assiette
Pour ne pas laisser une miette !…
Soudain, il se sent oppressé ;
Entend, sur sa chaise affaissée,
Son bel estomac qui gargouille.
Son ventre, ma foi, se barbouille…

Ça empire : il a mal à en crever.
On appelle un docteur à son chevet :
« Aïe, mon petit bedon me fait violence !
– Dîtes plutôt “gros bidon”, Excellence !
Je ne voudrais pas vous désespérer
Mais il faut, sans tarder, vous opérer,
Vider votre ventre et… vous tempérer ! »
Aussitôt dit, il découpe sa panse
Et le soulage enfin, comme on le pense,
De son souper et… de son déjeuner :
Salade aux p’tits lardons nouveau-nés,
P’tits loups marinés, bouts d’choux gratinés,…

Et, depuis, sa pauvre bedaine
Ne fait plus aucune fredaine.
L’ogre crie famine parfois
Car, l’homme de l’art, droit et froid,
A prescrit un jeûne et la diète :
Finis rillettes de fillettes,
Soufflets de mouflets aux baies bées
Et toute becquée de bébés !
Plus de drôles à la casserole,
Marmites à marmots qui rissolent,
Gosses en sauce, gamins braisés,
Ou fricassée de marmousets !
Terminés les mioches en brioches,
Enfants en civet, à la broche !

De ce jour, maîtres et parents
Regrettent qu’à la sotte engeance
Qui tarde à quitter son enfance
Ce croque-mitaine effrayant
Soit devenu indifférent.
Peste soit de cette malchance,
Car ça vous soulageait, parfois,
Ces gros goinfres-là, autrefois !

 

© Christian Satgé – juin 2011

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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